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John Alexander Macdonald
Au sujet de Riel

Le très honorable sir John Alexander Macdonald
Discours à la Chambre des Communes
le 6 juillet 1885

Sir JOHN A. MACDONALD: Je laisse à la Chambre et au pays à décider si l'honorable député, dans son long et élaboré discours, a établi son droit de censurer le gouvernement, s'il a prouvé que nous nous étions rendus coupables de négligence, d'oppressions, et de mauvaise administration. Mais il y a une chose sur laquelle il ne peut y avoir le moindre doute de l'un ou l'autre côté de la Chambre, c'est que l'honorable monsieur par son discours a fourni gratuitement aux avocats de Louis Riel un plaidoyer des plus habiles. J'ose dire qu'aucun des avocats de ce malheureux ne pourra énoncer ou produire d'arguments semblables à ceux que l'honorable monsieur a discutés aujourd'hui sans tenir compte des Conséquences qui pourraient en résulter comme il le sait.

M. LISTER: Qui les a provoquées?

Sir JOHN A. MACDONALD: Vous pouvez ricaner, mais vous verrez, cette Chambre verra dans le discours des avocats de Riel, lorsque son procès aura lieu dans très peu de jours, que la substance, la base, le point culminant, et le fond de cette défense seront les discours de l'honorable monsieur. Et delà, dès la début. Depuis le commencement de cette session, chaque motion que l'honorable député a faite, chaque question qu'il a posée, chaque document qu'il a demandé-tout a été fait dans un seul but, dans la vil et misérable but de trouver à redire contre le gouvernement, plutôt que d'obtenir justice pour les gens du Nord-Ouest.

Je démanderai à cette Chambre si le discours de l'honorable monsieur n'a pas été d'un bout à l'autre une justification et une excuse de la révolte du Nord-Ouest ; une justification, une excuse du meurtre.

Quelques DÉPUTES: Non, non.

Sir JOHN A.MACDONALD: Une justification, une excuse de l'anarchie.

M.CAMERON (Huron): Vous êtes les criminels.

Sir JOHN A. MACDONALD: Toute la conduite de l'opposition, chaque remarque qu'elle a faite dans cette Chambre et en dehors de cette Chambre, n'a en d'autre objet que d'insulter le gouvernements-sans s'occuper des conséquences d'une pareille conduite. Quel souci vont-ils des intérêts du Nord-Ouest, M. l'Orateur, pourvu qu'ils puissent faire du scandale ? Que leur importe que le Nord-Ouest en souffre ? Ils administreront un pays en banqueroute plutôt que de rester dans l'opposition. Voilà leur politique. Ils gouverneront en enfer plutôt que de servir dans le ciel.

Certaines choses sont pourtant de nature à attirer l'attention dans le discours de l'honorable monsieur, c'est qu'il n'a fait allusion que par accident aux événements intérieurs à 1878-1879. Oh! comme il a été discret sur la politique du gouvernement dont tantôt il était ministre et tantôt ne l'était plus. De plus, M. l'Orateur, il n'a pas osé une seule fois, dans son discours de sept heures, dire que les prétendus grief des Métis étaient fondée.

M. BLAKE: Ecoutez, écoutez.

Sir JOHN A. MACDONALD: Il est vrai qu'il a énuméré leurs griefs, qu'il est descendu dans les voûtes et dans la salle de lecture cherchant des vieux journaux de l'Ouest et citant des paragraphes de ces journaux pour prouver que le gouvernement avait mal agi. Il est vrai que chaque fois qu'il a cité ces paragraphes, il s'est écrié: Il n'y a pas de réponse, donc la reponse a état supprimée.

M. CAMERON (Huron): Elles l'ont été aussi.

Sir JOHN A. MACDONALD: L'honorable député de Huron-Sud-non, le député de Huron-Sud-il ne dirait pas cela, car il est un gentilhomme politiquement parlant-mais je crois qu'il se trompe. C'est l'honorable député qui siège en arrière de lui qui a dit cela. Je disais; que le chef de l'opposition n'a pas dit dans tout son discour;qu'il était juste ou légal de placer les réclamations; des Métis du Nord-Ouest sur le même pied que celles des Métis du Manitoba.

Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Parce que le gouvernement dont il était membre à décidé solennellement qu'ils n'avaient pas droit à ces réclamations. Son gouvernement a déclaré que les Métis n'avaient pas plus de droits que les colons blancs ; mais que l'honorable monsieur fût ou non membre du gouvernement à cette date précise, alors que le gouvernent Mackenzie décrivit sa politique dans une dépêche solennelle qu'il (M. Blake) a entre ses mains et dont il a lu une partie ce soir, mais il ne l'a pas toute lue; dans cette dépêche l'honorable député de Bothwell déclare que les Métis n'ont aucun droit.

L'honorable monsieur (M. Mills) ose-t-il nier qu'il ne l'a pas lue ou du moins qu'il n'en a pas lu une partie. Eh bien, M. l'Orateur, je vais la lire, une dépêche solennelle portant la date du 3 février 1878, écrite par la lieutenant Gouverneur d'alors, M. Laird. Je vais la lire en entier, cette dépèche, elle est adressée à l'honorable député de Bothwell, ministre de l'intérieur:

"J'ai l'honneur de vous présenter ci-jointe la pétition de certains Métis de Saint-Laurent, au sujet de certaine matières affectant leurs intérêts dans ce pays. Leur pétition est adressée au lieutenant-gouverneur des Territoire du Nord-Ouest ; mais comme elle se rapporte à des matières placées pour la plupart sous le contrôle du parlement et du gouvernement fédéral, l'on m'a requis de la transmettre au gouverneur général en conseil. J'espère que vous aurez la bonté de la soumettre au conseil aussitôt que possible."

Aussitôt que possible-l'honorable monsieur désire beaucoup que cela se fasse promptement :--

"Si c'est l'intention du gouvernement de nommer de nouveaux membres dans le conseil du Nord-Ouest, la requête des pétitionnaires demandant qu'ils soient choisis parmi les anciens habitants du pays est bien digne de considération. Il est important que la politique concernant les terres suivie par le gouvernement à l'égard des anciens colons et autres demeurant dans le territoire depuis plusieurs années, soit connue. Il me semble qu'ils ont droit à quelque moyen plus facile et plus prompt....."

Plus prompt!.....

"d'acquérir un titre à un établissement que les dispositions de l'Acte des Terme Fédérales concernant les homessteads. Pour prévenir des contestations entre voisins, il est grandement désirable que les arpentages des terres le long des principales rivières, soient faite avec toute la diligence possible."

Veuillez déposer cette carte sur la bureau et voir quelle diligence l'on a apportée aux arpentages.

"Quant à la demande de secours, sous forme de semence, d'instruments aratoires, etc., elle est semblable à la demande qui a été faite, par les Métis de la Rivière de l'Arc durant les négociations du traité des Pieds Noirs, requête que je vous ai transmise et recommandée à l'attention favorable du gouvernement."

Cela est signé par M. Laird. Voici, M. l'Orateur, la réponse du gouvernement, à laquelle l'honorable monsieur a fait en partie allusion, mais qu'il n'a pas lue en entier:--

"Département de l'Intérieur, Ottawa, 18 mars 1878."

Le gouvernement a abandonné la pouvoir, je pense, en octobre 1878.

Un DÉPUTÉ: En septembre.

Sir JOHN. A. MACDONALD: Non, en octobre. Il aurait dù le faire en septembre, mais il ne l'a pas fait.

"Monsieur,-J'ai l'honneur d'accuser réception de votre dépêche, n.47 du 13 ultimo, transmettant une pétition que vous ont adressée certains Métis de la paroisse de Saint-Laurent au sujet des diverses affaires qui affectent les intérêts des Métis dans le Nord-Ouest. Vous êtes prié annoncer aux signataires de la pétition que je présenterai leur pétition avec un très grand plaisir-"

M. Mills aura beaucoup de plaisir; je lui demande pardon, le ministre de l'intérieur du jour aura beaucoup de plaisir --

"à Son Excellence le gouverneur-général en conseil. Dans l'intervalle, s'il était nécessaire de nommer d'autres membres encore au conseil du Nord-Ouest, je serai en état de demander que d'anciens résidents du Nord-Ouest soient nommés-"

non élus.

"à ce poste, et qu'un d'eux si possible, soit d'origine française. L'opportunité de faire une loi qui fournisse aux Métis des moyens plus prompts de se procurer des titres que ceux qje leur offre l'acte des terres fédérales a, depuis quelques temps, attiré mon attention."

Eh bien, il est entré on fonction en 1873.

M. MILLS: Non.

Sir JOHN A. MACDONALD: Eh bien ! le gouvernement est arrivé au pouvoir en 1873, et je suppose que son prédécesseur n'était pas muet; son prédécesseur était aussi capable que l'honorable monsieur lui-même; il avait la même responsabilité, et l'honorable monsieur lui ayant succédé au même ministère, a assumé toute la responsabilité de ce que son prédécesseur avait ou n'avait pas fait.

"Relativement à la demande d'un arpentage prochain le long des principales rivières, je dois vous dire d'annoncer aux pétitionnaires que l'arpentage des terres a déjà été fait en partie et sera continué aussi rapidement que le permettront les fonds à la disposition du gouvernement."

Quelques DÉPUTÉS: Econtez ! écoutez !

Sir JOHN A. MACDONALD: Exactement; mais ce gouvernement n'a pas jugé à propos de demander de fonds; s'il en avait demandé, il en aurait reçu. Les choses en restèrent là.

"La demande des pétitionnaires que le gouvernement les aidât à acheter des instruments aratoires, des grains, etc., je dois le dire, ne me semble pas devoir être accordé. Je ne comprends pas comment les Métis peuvent réclamer qu'on les traite sous ce rapport, autrement que les colons blancs des territoires."

J'approuve les remarques de l'honorable monsieur.

"Les Métis qui, sous certains rapports, ont l'avantage sur les colons blancs, devraient comprendre la nécessité pour eux de se fixer dans quelque localité et d'employer toute leur énergie à l'agriculture et à I'élève du bétail ; et dans ce cas on leur assignerait des terres comme aux colons blancs. Mais au delà de ce point ils ne doivent point s'attendre à ce que le gouvernement leur aide. Les pétitionnaires, en supposant que le gouvernement a donné des instruments aratoires et des grains à quelque autre classe de colons blancs du Nord-Ouest sont dans l'erreur. On a avancé de l'argent dans quelques cas à certains colons à la condition expresse que cet argent serait remboursé au gouvernement par ceux auquels il était prêté. Je puis ajouter que le résultat de cette démarche n'a pas engagé le gouvernement à recommencer."

Il y a cette dépêche dans laquelle l'honorable ministre de l'intérieur, administrant les affaires du Nord-Ouest, dit aux Métis qu'ils n'ont pas à cette époque plus de droit que les colons blancs, et qu' étaient alors les réclamations des colons blancs ? Tout simplement que tout homme âgé de 18 ans et plus allant des autres provinces s'établir au Nord-Ouest obtiendrait 160 acres de terre, et que s'il cultivait sa terre pendant trois ans, il pourrait obtenir des lettres patentes. C'étaient les réclamations et les seules réclamations qu'eût le blanc qui se rendait là d'Ontario, de Québec et de toute autre province du Canada; il pouvait obtenir 160 acres gratuitement, et s'il voulait acheter, il pouvait avoir 160 acres de plus en vertu du droit de préemption.

L'honorable monsieur déclare donc que les Métis n'ont pas d'autres droits que ceux-là. Rappelez-vous que l'honorable monsieur dit, et dit très à propos, que les Métis ont sous certains rapports, un grand avantage sur les nouveaux colons qui immigrent dans ce pays.

Il dit que les Métis, qui, sous certains rapports, ont un avantage sur les nouveaux colons, devraient être convaincus de la nécessité de se fixer dans des localités. Les Métis connaissaient les conditions et les effets climatériques du pays, et ils savaient que s'ils ne cultivaient pas la terre, ils auraient à chercher ailleurs leurs moyens de subsistance. Ils connaissaient Ie pays ils y étaient nés et y avaient été élevés.

La vérité, c'est que le mécontentement qui s'est élevé au Nord-Ouest a eu d'autres racines plus profondes que le seul mécontentement que les Métis et autres ressentirent en n'obtenant point leurs patentes et leurs droits. Le mécontentement est aussi ancien que le transfert de cette contrée au Canada par la Compagnie de la Bai-d'Hudson. D'abord, les gens de la Compagnie de la Baie-d'Hudson furent très mécontents de ce que la Compagnie les détrônait ainsi. C'étaient les gens les plus influents du pays, les souverains de la contrée et ces gens firent tout ce qu'ils purent secrètement faire pour empêcher le gouvernement de prendre possession du pays.

Ce mécontentement se communiqua aux blancs, aux Métis, et peut être jusqu'à un certain point aux sauvages.

Il continua toujours à augmenter d'année en année. Jamais les Métis n'ont été contents de la cession de la contrée au Canada. Ils étaient consentants de rester libres sous la Compagnie de la Baie-d'Hudson, mais ils ne voulaient pas passer sous la domination du Canada. On sait qu'en 1870 il en résultat un soulèvement. La révolte fût réprimée, mais le sentiment qui l'avait fait naître resta au fond des coeurs, et en 1874 M. Gabriel Dumont était encore rebelle.

C'est avec beaucoup de respect que je parle de monsieur Gabriel Dumont. Je parle de lui avec un grand respect, parce qu'il s'est conduit comme un brave, bien qu'il fut un rebelle et qu'il ait commis des crimes pour Iesquels, s'il est trouvé coupable, advenant son procès, il devra payer de sa vie. Cependant, tout Ie monde doit avoir pour lui un respect qu'on n'aura certainement pas pour Louis Riel.

En 1874, Gabriel Dumont formait un gouvernement provisoire. Il ne fut jamais satisfait de vivre sous la couronne britannique ; et il a une lettre du gouverneur Morris, en date du 22 juin 1874, contenant un râpport de John McKay parlant de la conduite de Gabriel Dumont. Or l'honorable monsieur parle de John McKay comme d'un homme honorable, et il est aussi, je crois, un homme respectable ; et M. McKay à cette époque ne disait que Dumont travaillait à former un gouvernement dans lequel il serait président. Depuis, ce sentiment s'est conservé. Les réclamations des Métis ne sont qu'un prétexte, le désir véritable des hommes Comme Dumont était de briser le lien qui unissait leur pays au Canada et le rendre indépendant d'une manière ou d'une autre. Tous les griefs qu'on a allégués ne sont que purs prétextes pour couvrir un principe enraciné dans l'esprit du-peuble de cette contrée, celui de constituer un gouvernement indépendant pour le Nord-Ouest.

Or, j'ai parlé des actes faits par le gouvernement de l'honorable député d'York-Est (M. Mackenzie). J'ai en une dépêche de l'honorable député de Bothwell (M. Mills) lorsqu'il était ministre de l'intérieur, dans laquelle il démontrait que les Métis, en tant que Métis, n'avaient pas plus de réclamations que les blancs.

Mais, M. l'Orateur, on a prétendu que le gouvernement avait négligé les réclamations des Métis, que le secrétaire d'État a-ait fait une affirmation malheureuse et inexacte en disant que les Métis n'avaient pas eu recours à leur droit de réclamer,par pétition, et l'honorable monsieur a cité pluIsieurs pétitions du Nord-Ouest venues avant la chute du gouvernement qui nous a précédés, et il demande comment il se fait que nous ayons été assez aveugles pour ne pas savoir q'un semblable état de choses existait. C'est là de l'histoire ancienne, M. l'orateur, comme l'a dit l'honorable monsieur.

Ces plaintes furent formulées avant 1878, et C'est le Ministère dont faisait partie l'honorable chef de l' opposition aujourd'hui qui a dit dans sa réponse que les Métis n'avaient aucune réclamation à faire, pas plus que les blancs qui avaient été s'établir dans la Nord-Ouest. L'honorable monsieur a lu et cité, comme s'il se fût agi d'un document condamnant le gouvernement, une lettre signée par M. Mathew Ryan, ci-devant magistrat stipendiaire au Nord-Ouest, mais qui ne l'est plus, dans laquelle, parlaint des droits des Métis du Nord-Ouest, il dit:

"Ayant été nommé magistrat stipendiaire le 1er juin 1876, pour les territoires du Nord-Ouest, je fus aussi averti par le ministre de la justice que ma commission pour m'enquérir des réclamations de terrains, devait être considérée en force pour une année encore, afin de permettre Aux Métis du Nord-Ouest, incapables de se rendre auprès des commissaires du Manitoba, de faire valoir leurs réclamations devant moi. Dans l'accomplissement de ce devoir, je découvris qu'un grand nombre de Métis n'avaient aucune réclamation en vertu de l'acte parce qu'ils ne résidaient pas dans le Manitoba lors de la cession, 15 juillet 1869. Je puis ajouter que l'exclusion cause beaucoup de mécontentement. Je ne manquai pas de presser qui de droit, à plusieurs reprises, d'appliquer le remède que demandait la situation."

A qui se sont-ils adressés ? Aux honorables messieurs de la gauche. Dans le cours des années 1876-77 et 78 ils en ont appelé au gouvernement composé des honorables messieurs de la gauche; et dit qu'ils en ont appelé à plusieurs reprises. Il a fait des demandes réitérées en faveur de ces pauvres gens, mais aucune mesure n'a été prise par les honorables messieurs de l'autre côté de la Chambre pour remédier aux griefs des Métis. Comment pouvaient-ils y remédier ? L'honnorable ministre avait déclaré que les Métis n'avaient aucunes revendication à exercer, et il ne pouvait conséquement prendre des mesures pour les régler. De 1873-74 à 1878, pas une mesure n'a été prise par le gouvernement pour écarter les mécontentements, s'il y en avait, ou remédier aux griefs, s'il en existait ; pas une démarche eu lieu pour que les revendications de ces pauvres gens, pour lesquels l'honorable monsieur a tant de sympathies, fussent prises en considération ou qu'on répondit à leur pétition.

L'honorable monsieur a la plusieurs documents, dont, dit-il, quelques-uns n'ont pas eu de réponse, ou, d'après lui, ces réponses ne figurent pas parmi les documents. En janvier ou février 1878, une pétition demandant le redressement des griefs fut présentée au gouvernement de l'époque ; mais ce gouvernement, avant sa chute, n'accusa pas même réception de la pétition.

Maintenant quelle était la situation quand nous arrivâmes au pouvoir en 1878. Nous vîmes que le gouvernement précédent n'avait pris aucune mesures, qu'il n'avait voulu ni écouter ni discuter les griefs des Métis. En 1869, nous avons fait l'acquisition de ce pays, et en 1870 le Manitoba fut constitué en province.

Plusieurs se rappellent, et ce sont des faits qui appartiennent à l'histoire du pays, qu'en 1870, afin d'obtenir la paix, la tranquilité et l'ordre et de fait, pour entrer paisiblement en possession du pays, on dût conclure un arrangement qui nous donne la Possession, le contrôle de cette province. Pour en arriver là, le gouvernement d'alors entama avec certains délégués de la province du Manitoba des négociations qui aboutirent à l'acte de 1870, qui constituait la province du Manitoba.

Cet acte stipulait qu'afin d'éteindre les titres des sauvages, 1,400,000 acres de terre seraient accordés aux familles des Métis établis dans cette province. Il ne s'agissait pas tant de savoir s'ils avaient ou non droit à ces terres, que de faire un arrangement avec, les habitants de cette province, afin de constituer une province de fait, dans le but d'y faire pénétrer la loi et l'ordre et d'af[irmer la souveraineté de la Confédération. La Compagnie de la Baie d'Hudson avait garanti certains droits et reconnu certains titres aux terres le long de la rivière Rouge et de l'Assiniboine, et après des calculs minutieux on a pensé que 1,400,000 acres de terre suffisaient amplement à compenser ce qu'on appelait l'extinction du titre sauvage.

Cette expression était incorrecte, parce que les Métis ne voulaient pas être des sauvages. S'ils sont sauvages, ils iront avec les tribus; s'ils sont Métis, ce sont des blancs, et à l'égard de la Compagnie de la Baie-d'Hudson et du Canada, ils occupent exactement la même position que s'ils étaient tout à fait blancs. C'est en vertu de ce principe que l'arrangement a été conclu et la province constituée. Tous les blancs qui n'avaient pas perdu leurs terres par défaut d'occupation ou par acquiescement tacite à l'ancienne province d'Assiniboia, eurent la permission de garder leurs terres. En ce qui concernait les Métis, 1,400,000 acres de terre furent réservées dans le but de répondre à leurs réclamations.

Le lieutenant-gouverneur Archibald, le premier gouverneur de la province, fut chargé de faire un recensement, et rapport fut fail qu'il y avait 10,000 familles métisses qui avaient droit à ces terres. Si on s'en était tenu à ce recensement il n'y aurait pas eu de difficultés.

C'était un recensement aussi exact qu'il était possible d'en faire dans un nouveau pays, ne possédant pas d'intistutions municipales ni de moyens d'énumérer les habitants un par un. Mais c'était un recensement exact, et l'on avait assigné 1,400,000 acres de terre pour répondre aux réclamations des Métis; et si ce recensement avaient été approuvé, il n'y aurait jamais eu de soulèvement. Mais quand nous abandonnâmes le pouvoir on jugea nécessaire de détruire tout ce que nous avions fait. Il plut au gouvernement qui nous succéda de dire qu'il n'y avait pas 10,000 Métis dans cette province, et il ordonna un nouveau recensement ; il nomma. M. Matthew Ryan et M. Machar - ce dernier est un homme au sujet duquel l'honorable député de Huron-Sud connaît quelque chose-dans le but de défaire, je ne veux pas dire de défaire, mais d'écarter le recensement que l'on avait déjà fait. C'est Ie cas, M. l'Orateur-, si on s'en était tenu à ce premier recensement, il n'y aurait pas eu de difficulté. Mais cela ne faisait pas l'affaire des honorables messieurs d'accepter ce recensement du sorte que les réclamations des Mélis furent achetées par des spéculateurs blancs et devinrent une malédiction au lieu d'un bienfait; on me dit qu'on peut voir encore la preuve de ce fait dans les environs de Winnipeg, où au lieu le voir de jolies Fermes, la terre est vacante et non défrichée, parce-ce que c'est la terre achetée du Métis porteur d'un certificat par les spéculateurs, pour une bagatelle.

Puis, M. l'Orateur, après avoir passé la législaition nécessaire pour constituer la province du Manitobai, un 1870, le parlement réserve 1400,000 acres de terres pour distribuer aux enfants des Méfis, résidant dans la province à la date du transfert, laquelle date, pour les fins de l'acte fut fixée au 15 juillet 1870. On se procura une liste de ceux qui avaient droit à cette répartition au moyen d'un recensement fait par le lieutenant-gouverneur Archibald un décembre 1870. Ce recensement en portait le nombre à 10,000. On décida alors d'accorder à chaque Métis une concession gratuite de 140 acres de terres pour éteindre le titre des sauvages. Mais on souleva la question de savoir si l'interprétation légale de l'Acte du Manitoba permettait aux chefs de famille d'obtenir une part des 1,400,000 acres rérvees par l'acte. Cette question ayant été soumise aux avocats de la Couronne, ils décidèrent que les chefs de familles métis n'avaiedt pas ce droit ; et le gouvernement du jour conclut alors qu'il y avait une telle réduction dans le nombre des personnes admises au partage, conformément à la décision des avocats de la conronne, que cela permettrait aux enfants des chefs de familles métis, nés à l'époque du transfért, de recevoir une concession de 190 acres chacun. Le titre sauvage des chefs de familles métis fut éteint, en vertu d'un acte passé en 1884 (37 Vict., chap. 20) par l'émission de certificats de $120 à chacun, c'est-à dire, à la mère comme au père. Par le recensement fait sous la direction du lieutenant-gouverneur, Archibald, une concessioni de 190 acre, fut faite à chaque enfant métis, en 1873, toute, les terres affectées à cette fin ayant été préalablement arpentées dans ce but. On se rappellera cependant que dans l'automne 1873, il y eut un changement de gouvernement, et ceux qui devinrent alors responsables de l'administration des affaires publiques conformément à leur tactique habituelle de tenverser ces actes de leurs prédécesseurs, et aussi afin de créer des emplois pour leurs partisants affamés, se hâtèrent d'en arriver à la conclusion que le recensement des Métis n'était pas suffisant et qu'il fallait en faire un nouveau; conséquemment, en mai 1875, près du deux ans après que la question fut réglée d'un façon satisfaisante, une commission composée de M. Mathew Ryan et M. Machar fut envoyée dans les diverses paroisses.

Les commissaires soumirent leur premier rapport au gouverneur général en conseil en mars 1876, et en l'examinant, on voit que les commissaires y déclarent qu'il est incomplet et que l'agent des terres fédérales à Winnipeg était autorisé à continuer ces recherches. Par suite de I'état incomplet de la liste, le chiffre réel des enfants métis établis qu'ils avaient droit à leur part dans les 1,400,000 acres était de beaucoup diminuer; malgré toutes ces erreurs, le gouvernement préféra le travail de ses propres énumérateurs incompétents, accompli de la manière la plus négligente, environ six ans après le trantfert, au recensement fait avec soin sous la surveillance de M. Archibald, immédiatement après le transfert et alors qu'il était naturellement plus facile de constater Ies faits qui à l'époque de la compilation faite par MM. Ryan et Machar.

Le chiffre réel des réclamants, suivant MM. Ryan et Machar, était de 5,088. En 1876, l'agent des terres fidérales en signala 226; autres. Vers le même temps, Ie ministre de l'intérieur d'alors en vint à la conclusion que 500 autres Métis auraient probablement droit de participer à cette répartition, et avec une singulière générosité de coeur, il décida de donner à chaque enfant métis qui avait droit à sa part de cette réserve un titre gratuit pour 240 acres. Ceci paraissait libéral de prime d'abord, mais comme question de fait., avant cette date, et désespérant de jamais obtenir leurs lettres patentes, la plupart des réclamants avait vendu leurs droits pour une bagatelle à des spéculateurs amis du gouvernement, et c'est envers ces derniers, et non envers les Métis, que Ie gouvernement se montrait aussi généreux.

Si l'on veux la preuve de ce fait, on peut la trouver facilement dans la répartition des terres, et dans le fait que lorsque le gouvernement actuel remonta au pouvoir en 1878, il constata non seulement que les Métis de Saint-Boniface, Saint-Norbert, Saint-François-Xavier, Baie Saint-Paul et Saint-Agathe, qui comptaient plus de la moitié de la population métisse à laquelle on devait distribuer des terres de la réserve, n'avaient pas reçu leurs lettres patentes, mais que la répartition n'avait pas même été faite. Ainsi, M. l'Orateur, nous voyons que le gouvernement d'alors a diminué Ie chiffre des Métis, et qu'au lieu de 150 ou 190 acres de terres aux Métis, il en a livré 240 aux spéculateurs qui disaient avoir acheté des Métis. Et que voit-on aujourd'hui? Que la différence des cinq mille et des dix mille Métis est maintenaient dans les prairies et réclame les terrains dont les honorables messieurs de la gauche les ont dépouillés. lls réclament aujourd'hui les terres et trouvent un avocat dans la personne de L'honorable député de Durham (M. Blake). Il récIament les terres qu'ils devraient avoir depuis longtemps; ils réclament ce qu'ils auraient dû avoir raisonnablement, si Ie Gouvernement de cette époque avait accepté le recensement fait sous la surveillance de M. Archibald, au lieu d'en réduire Ie chiffre de moitié afin de doubler les bénéfices de leurs amis d'alors. Mais, M. l'Orateur, pour parler un peu plus au long de la conduite du dernier gouvernement, qu'on me permette, d'appeler l'attention de la Chambre, pour un instant, sur la conduite suivie par le ministre de l'intérieur par l'entremise de son propre fonctionnaire, M. Ryan. M. Ryan était un des commissaires nommés pour s'enquérir des réclamations que les Métis de là pouvaient avoir dans le Manitoba. M. Ryan télégraphia ou écrivit au département pour lui demander la permission de s'enquérir des réclamations des habitants de là. Il demanda la permission de parcourir la pays et de régler les réclamations. Qu'a répondu le ministre? Vous ne ferez rien de tel, a-t-il répondu. Ainsi que la chose a été constatée par les documents qui ont été lus en partie par le chefde la gauche, on voit que M. Ryan avait été d'abord nommé avec M. Machar. Plus tard, sa commission a été étendue et on lui a dit d'aller trouver les réclamants et de voir ce que l'on pouvait faire. M. Ryan, entre autres télégrammes, envoya le suivant:

"28 juin 1878. - Les Métis me pressent. Le délai pour faire I'enquête sera-t-il prolongé ?"

M. Laird télégraphia de Battleford

"24 juin 1878. - Le délai pour l'enquête des réclamations des Métis en vertus de l'ordre du 14 juin 1876 est-écoulé; je recommande que le délai soit prolongé d'une année; M. Ryan est maintenant ici ; les réclamants attendant une réponse."

Cette prolongation de pouvoirs fut refusé et jamais l'enquête ne fut faite.

M. MILLS: L'honorable monsieur sait que Ie délai fut prolongé et que M. Duff fut nommé.

Sir JOHN A. MACDONALD: Je trouve aussi ce document écrit par M. Codd, agent des terres fédérales à Winnipeg, Ie 16 mars 1877:

"J'ai l'honneur de soumettre à votre considération le document suivant du commissaire de police Ryan. La chose n'étant pas de celles que m'impose mon devoir, permettez-moi de faire remarquer qu'il ne semble pas bien pour le gouvernement de forcer les Métis à prouver leurs réclamations."

C'est le conseil de M. Codd. La lettre porte les mots suivants, écrits en travers les lignes, et de l'écriture de l'honorable député de Bothwell, alors ministre de l'intérieur:

"Il est inutile de chercher ceux qui ont des réclamations à faire valoir. S'ils ont souci de leurs intérêts, ils se présenteront eux-mêmes pour les établir."

Et voici comment tous les droits, toutes les réclamations de ces; gens étaient méconnus quand nous arrivâmes au pouvoir. Il a été dit que ces gens n'avaient pas des droits plus étendus que les blancs, et je ne dis pas que la logique de l'honorable monsieur était en cela mauvaise; mais s'il en est ainsi je ne puis comprendre la raison de ce long réquisitoire que l'honorable monsieur a fait contre les successeurs d'un gouvernement dont il faisait partie.

La question était très difficile. Comme je l'ai déjà dit, la colonisation du Nord-Ouest se bornait au Manitoba. Il y avait bien peu de Métis en dehors de cette province. Qu'ils eussent des; droits ou non, il fallait rétablir la paix. Il fallait établir un gouvernement et organiser la nouvelle province du Manitoba, et voilà pourquoi on fit la grande concession de 1,400,000 acres de terres à ceux des Métis qui avaient des droits le long du la rivière Assiniboine et de la rivière Rouge. En dehors de ces cas, la question était ouverte, comme le démentis la dépêche de l'honorable monsieur. Les Métis devaient être retardés ou comme blancs, ou comme sauvages. Nombre de gens se montrèrent en partie sauvages en se présentant pour obtenir des dons, des annuités, des secours ; d'autres vinrent se dire blancs et voulaient être considérés comme blancs, et à ce titre ils avaient les mêmes droits que tout homme blanc vivant au dehors du Manitoba qui s'était établi avant le 15 juillet 1870. Ces droits n'ont jamais élé Liés.

Jamais un seul Métis n'a été dépossédé de sa terre. Pas un seul blanc qui était établi là avant que nous fîmes l'acquisition, n'a jamais été dépossédé de son terrain. Aucun acte d'oppression n'a été signalé par l'honorable monsieur. Aucun homme n'est venu lui dire: "J'ai perdu ma maison et ma terre," ou qu'il ait été dérangé de quelque manière que ce soit comme cela est arrivé en 1870. Personne ne prétend qu'il y a eu suppression, ou ne peut prétendre que jamais le gouvernement ait évincé personne, ni homme, ni femme, ni enfant dans le Nord-Ouest. Nous n'avons eu la possession qu'en 1870 nous n'avons pu d'abord qu'introduire lentement et graduellement une forme de gouvernement depuis 1870.

Les choses se font passées bien pacifiquement mais lentement de 1870 à 1873, alors que nous avons remis la responsabilité du gouvernement aux honorables messieurs de la gauche. De 1873 à 1878, pas une seule démarche ne fut faite pour faire jutstice aux droits des sauvages, des Métis et des blancs. C'est une page blanche dans l'histoire du Canada. Quelles démarches les honorables messieurs de la gauche ont-ils faites pour régler la question des limites entre chaque terre et pour faire faire les arpentages le long des rivières ? Voyez cette carte, M. l'Orateur, et elle vous dira ce qu'ils ont fait dans ces cinq ans;, elle dira aussi ce que nous avons fait depuis que nous sommes revenus au pouvoir. Ils ne firent aucune démarche. Assurément les pauvres gens qui vivent là auraient eu une triste vie si un gouvernement conservateur n'était venu au pouvoir pour renverser la politique grite, qui ne visait qu'à les soulever.

Durant cinq ans, M. l'Orateur, ils ne savaient guère Ie tort qu'ils souffraient. Ils vivaient dans leurs maisons ou dans les bois sans se plaindre. Ils ne savaient pas qu'ils fussent opprimés ou maltraités.

Il fallut les déclarations des honorables messieurs de la gauche et de toute la presse radicale pour leur faire savoir qu'ils allaient perdre leurs propriétés, et je tiens responsable Ie parti grit de la Chambre et au dehors de la Chambre non seulement de la rébellion, mais aussi de toutes ses conséquences.

Pourquoi le peuple aurait-il été plus malheureux de 1878 à 1884 qu'il ne l'a été de 1873 à 1878 ? Est-ce que les circonstances n'étaient pas les mêmes ? A-t-on essayé d'enlever aux colons leurs terres ? Non, monsieur, ceux-ci étaient en mars 1885 dans la même position qu'ils occupaient lorsque les honorables messieurs de la gauche étaient au pouvoir. Ils ont vécu heureux, paisibles et contents jusques ce que des agitateurs politiques les aient soulevés pour des fins les moins avouables.

Dans les grands tournois politiques, les partis sont sujets à s'oublier et à dévier de la ligne droite.

M. MILLS: Ecoutez! écoutez! le bill du cens électoral.

Sir JOHN A. MACDONALD: L'honorable député de Bolhwell a bien voulu parler de droiture: mais je crois que, sur ce point, du moins, je viens de lui montrer qu'il aurait mieux fait de se taire. L'honorable député qui vient ici dans le but d'appuyer l'honorable chef de la gauche (M. Blake) et qui, depuis Ie commencement de son administration a essayé d'anéantir les droite ou, plutôt les réclamations de ces gens, l'honorable député, dis-je, parle aujourd'hui en faveur de ces droits. Mais je dis que les deux partis politiques peuvent se tromper; il y a matière à erreur, mais dans ce cas-ci, cette excuse n'existe pas. Ce tournoi n'est pas seulement dans le but d'emporter des avantages politiques, mais il a aussi pour but de mettre ces pauvres colons au pouvoir de ceux qui spéculent sur le domaine public. Je suis convaincu qu'à l'heure qu'il est il n'y a pas une seule réclamation qui ne soit engagée. Je crois aussi que les blancs ont acheté ces réclamations et que les Métis ne seront pas plus riches quand bien même ces réclamations seraient reconnues: Peut-être l'honorable député de Huron (M. Cameron) pourrait nous en dire quelque chose ?

M. CAMERON (Huron): Demandez à l'honorable député de Hastings (M. White) et à l'honorable ministre des douanes.

Sir JOHN A. MACDONALD: Mon honorable ami (M. Bowell) me rappelle justement un fait à propos des fréquentes interruptions de l'honorable député de Huron (M. Cameron). L'honorable chef de la gauche s'est déjà plaint du retard éprouvé dans l'émulsion des patentes, et j'espère bien que l'honorable député de Huron nous fera un discours sur cet important sujet.

Mais il y a au département de l'intérieur une lettre du député de Huron demandant qu'aucun titre ne soit donné à un certain colon parce que celui-ci serait endetté au susdit député pour la montant de $3,000.

M. CAMERON (Huron): Pourquoi pas?

Sir JOHN A. MACDONALD: Ce sont des hommes comme lui que nous tenons responsables des troubles du Nord-Ouest. Enfin ceux qui vont là dans le but de faire fortune à même les pauvres colons. Mais heureusement nous avons des lois pour protéger les colons contre les spéculateurs.

Il est probable que Ie député de Huron votera pour censurer le gouvernement, mais rappelons-nous bien que c'est lui qui demande de retenir la titre de l'un de ces colons avant que celui-ci lui ait payer sa réclamation.

Quand nous sommes arrivés au pouvoir, en 1878, il nous a fallu examiner cette question. Le gouvernemeut qui nous a précédés a méconnu les droits des Métis et a refusé de remédier à leurs griefs, exposés par son propre agent, M. Mathew Ryan. Jusqu'à 1879 il n'y avait pas de pouvoir légal pour disposer de la question d'une manière équitable et loyale. Mais, en 1879, nous avons pris sur nous de nous occuper de la question et de la régler Ie mieux possible. Notre seul désir était de rendre justice au Nord-Ouest et au pays en général. Nous venions de reprendre le pouvoir qui avait été arraché des mains de nos prédécesseurs par la majorité du peuple. Nous avions par conséquent tout à gagner en agissant avec droiture, et nous avons fait tout en notre pouvoir pour y arriver. Qu'avons-nous fait ? Nous avons écrit aux principaux hommes du Nord-Ouest. Nous avons écrit à l'archevêque Taché et à d'autres évêques dont l'honorable monsieur a parlé; nous avons écrit aussi à M. Laird, et nous avons eu l'opinion de ces hommes marquants, et suivant eux nous ne devions pas accorder de scrip. lls étaient pareillement opposés à l'octroi des lettres patentes en faveur des Métis.

L'honorable monsieur n'a pas dit que le colonel Dennis, mon digne et respectable député -qui, aujourd'hui, je regrette de le dire, s'est retiré- il n'a pas dit qu'il avait écrit cette dépêche remarquable à laquelle l'honorable monsieur a fait allusion, dépêche honorable pour lui et honorable pour moi, dans une certaine mesure, vu que j'ai sanctionné ,chaque mot qu'il a écrit, dépêche demandant ce qu'il y avait de mieux à faire pour ces gens, pour les soustraire à leur propre imprévoyance et leur accorder leurs droits, en tant que la chose était compatible avec la prospérité générale du pays. Au risque d'être un peu ennuyeux, je vais examiner ce que ces honorables messieurs ont dit. Il est inutile de lire la dépêche confidentielle ou lettre du coIonel Dennis, car l'honorable monsieur y a fait suffisamment allusion; mais prenons la réponse de l'archevêque Taché. Personne ne doute que Sa Grandeur ne soit favorable aux sauvages; personne ne peut douter que Mgr l'archevêque Taché ne soit favorable aux Métis et n'ait recommandé ce qui était de mieux pour les Métis; a-t-il recommandé de leur accorder des scrips? A-t-il conseillé de donner des terres pour rien ? Non, M. l'Orateur, son opinion est toute différente. L'honorable monsieur a lu une partie de cette lettre dans laquelle il déclare que les Métis sont très susceptibles, qu'ils ressentent l'injure ou l'insulte; de fait que tous les jours, ils ont honte de leur origine, et ainsi de suite.

Voyons ce que dit l'archevêque:

"Chacun reconnaît l'opportunité pour les Métis de se fixer définitivement sur les terres, de les cultiver.

Je prends la liberté de proposer une mesure.

a. J'estime qu'il y a 1200 familles métisses dans le Nord-Ouest. Que le gouvernement leur assigne douze réserves dans les lieux qu'ils préféreront.

b. Chaque réserve devant comprendre 100 familles au moins et une de terre arable, c'est-à-dire l'étendue de quatre townchips.

c. Tout les hommes et enfants métis, résidant dans le Nord-Ouest le premier janvier 1879, devraient recevoir deux autres certificats négociables pour quatre-vingts acres de terre chacun à être choisis par eux dans une des douze réserves plus haut mentionnées.

d. Les dits terrains ne devant être ni vendus, ni hypothéqués, ni taxés avant qu'ils aient passé à au moins la troisième génération à partir de ceux qui les ont reçus ou leurs représentants; car je suis fort porté à croire que ces terrains devraient être absolument inaliénables; et une telle idée ne saurait paraitre déraisonnable à ceux qui considèrent les avantages découlant d'une semblable politique, en ce qui concerne les biens réels et inaliénables des nobles."

Or, M. l'Orateur, tout Métis du Nord-Ouest qui ne demande pas à se ranger parmi les Sauvages, et n'a pas accepté en qualité de sauvage, appartenant à une tribu sauvage et jouissant de tous les avantages accordés à un sauvage, et ils sont considérables, car les traités sont libéraux, les octrois considérables, l'approvisionnement d'instruments aratoires, de bestiaux, de grain, et ainsi de suite, très généreux, en général - et tout Métis qui préfère être sauvage peut aller avec sa tribu- mais tout métis qui dit: "Je veux être considéré comme blanc," a tous les pivilèges d'un blanc - il peut obtenir ses 160 acres de terres, et après les avoir cultivées trois ans, il en reçoit un titre.

L'ami des Métis, Sa Grandeur Mgr Taché, conseillait de n'accorder le titre qu'à la troisième génération ; mais nous proposons de Ie leur accorder après trois ans de culture.

Quand nous considérons cette chose, pensez-vous qu'on ne devrait pas réfléchir avant de leur accorder ces terrains que Mgr Taché nous conseille de ne point leur accorder maintenant. Si nous examinons les différentes recommandations des divers corps du Nord-Ouest, nous obtenons le même résultat. L'évêque MacLean, qui connaissait bien le pays, n'était pas en faveur de l'octroi du titre de ces gens. L'évêque de la terre de Rupert, qui s'est rendu là dernièrement, dit franchement qu'il y a été trop peu de temps pour juger de l'état de choses, et partant, il n'émet aucune opinion.

Mais que dit le conseil du Nord-Ouest de 1878 ? L'honorablie monsieur en a cité une partie, mais n'a pas tout cité. Je n'ai pas l'original du document, mais je vais lire une lettre de M. Matthew Ryan, qui était membre du conseil qui a passé l'ordre. Voici la résolution passée par le conseil du Nord-Ouest:

"Que vu le fait que des concessions de terres et des émissions de scrip ont été faites aux Métis de Manitoba pour l'extinction du titre sauvage aux terres de cette province, il y aura des mécontentements parmis les Métis des Territoires, à moins qu'ils ne reçoivent quelque considérations semblable; que cette considération tendrait beaucoup, à l'avantage des Métis, si elle etait donnée sous forme de billet de résidence non négociable pour, disons, 160 acres à chaque Métis chef d'une famille et à chaque enfant métis ; à l'époque du transfert au Canada, le billet devant être émis immédiatement à tout Métis de dix-huit ans ou plus qui prouvera sa réclamation; que chaquie Métis obtenant tel billet de résidence devrait être autorisé à's'établir sur toute terre fédérale inoccupée, mais le titre de la terre ainsi enregistré devrait rester entre les mains de la couronne pendant dix ans."

La recommandation de l'archevêque Taché était que Ie titre ne fût accordé aux Métis qu'après trois Générations. La recommandation du conseil, qu'il ne leur fût donné qu'après dix ans. Quelle a été la politique du gouvernement ? Prenez vos 160 acres; prenez votre préemption pour 160 acres de plus et vous serez aussi bien qu'un blanc et vous aurez votre titre après trois ans, quoique nous aient dit l'archevêque et le conseil du Nord-Ouest. Nous le gouvernement du Canada, avons plus de confiance dans les Métis que n'en ont eu et leur propre archevêque et leur conseil. Nous leur disons: "Nous vous donnons le terrain ; occupez-Ie, cultivez-le, soyez heureux, et au bout de trois ans vous obtiendrez vos titres pour 160 acres et deviendrez des propriétaires libres et indépendants dans le Nord-Ouest. Ce gouvernement paternel ne vous soumettra pas aux inconvénients auxquels ont voulu vous soumettre vos propres amis du Nord-Ouest. Bien que nous soyons éloigné, bien que nous ne vous connaissions pas, bien que nous soyons accusés de vous traiter injustement, nous avons plus de confiance en vous que vos propres amis. Nous ne vous demanderons pas de rester esclaves du sol pendant trois générations, nous ne vous demanderons pas de rester dix ans sans titre. Nous vous disons que dans trois ans, vous pourrez aller occuper vos terres, et que Dieu vous bénisse."

C'est là, M. l'Orateur, la politique du gouvernerment, et c'est la politique que l'honorable monsieur a blamé, et condamnée. La politique du gouvernement a été généreuse, réfléchie, et, rappelez-vous, M. l'Orateur, que le gouvernement a maintenu que le territoire y était occupé par les Métis et qu'ils avaient droit d'y aller le 15 juillet 1870, que ce territoire leur appartenait et que le gouvernement ne pouvait pas les en priver. L'acte de la Confédération le leur a donné. Les lois fédérales adoptées, je ne sais pas si c'est par nous et si elle.ont été amendées dans la suite par les honorables messieurs de la gauche, les lois fédérales, dis-je, déclarent qu'ayant occupé le territoire avant que l'acte ne fût adopté, tout homme, toute femme et tout enfant ont aujourd'hui un droit imprescriptible à leurs terres, qu'elles soient dans les sections impaires ou dans les sections paires.

L'acte dit que partout où il y a des terres non arpentées, la personne trouvée en possession de cette terre, la gardera ; non seulement les Métis anglais ou français, mais, tous les colons blancs, tous les hommes du Nord-Ouest, qu'ils fussent facteurs, ou commis, ou traiteurs de la Compagnie de la Baie-d'Hudson, avaient leurs droits en vertu de l'acte des terres félérales. Cet acte n'a touché aucunement aux droits des colons. Chacun de ces hommes peuvent nous dire: "Nous avons occupé ce territoire; il nous appartient; nous en obtiendrons un titre, et cela nous est garanti par l'acte des terres fédérales; mais nous prendrons, comme colons, 160 acres de terre ailleurs. Chaque Métis a ce droit. Personne ne pourrait le lui enlever. Personne ne pourrait dire: "Si vous prenez 160 acres comme homestead vous perdrez votre terre comme anciens colons." Ils avaient droit à l'un et à l'autre, et ces réclamations ont été rejetées; ces réelamations sont là aujourd'hui. Et je vous répète qu'aucun homme, aucune femme n'a été dépossédés depuis que le gouvernement du Canada a pris possession de ce pays. Eh bien ! M. l'Orateur, que devait faire la gouvernement ? Nous avions tous nos amis; nous avions l'archevêque; nous avions même M. Jackson, dont l'honorable monsieur a parlé, et qui, aujourd'hui, représente les Métis dans la conseil du Nord-Ouest ; nous l'avons vu dire que l'on ne devait faire aucune concession aux Métis, excepté après une occupation continue de cinq ans. Il y avait divergence d'opinions; je n'ennuierai pas la Chambre en lui prouvant qu'il y avait une infinité d'opinions; on a donné au gouvernement de nombreux conseils sur la meilleure manière de traiter les Métis, et le gouvernement n'avait qu'une seule chose à laquelle il devait penser: qu'est-ce qu'il y avait de mieux à faire pour le peuple, pour le soustraire mème à sa propre imprévoyance et en même temps, ne pas retarder la colonisation du pays. Cela, M. l'orateur, peut démontrer à tout homme raisonnable ce que valent les paroles de l'honorable monsieur qui nous reproche des retards.

Les Métis ne souffraient pas, M. l'Orateur, ils vivaient dans leurs propres maisons; ils n'avaient pas besoin de terrain, et leur en donner davantage, c'était leur donner tout simplement rien du tout. Cent soixante ou 240 acres de terre de plus n'auraient été d'aucune utilité immédiate pour les Métis, mais ils auraient fait grand bien aux spéculateurs qui leur disaient qu'ils souffraient et s'en allaient à la ruine, et qui voulaient qu'ils obtinssent leurs certificats afin de les leur acheter pour une misérable bagatelle. Non, M. l'Orateur, toute l'affaire n'a été qu'une farce. Il n'y avait pas de griefs réels, rien dans tout ce qu'a fait la gouvernement qui blessât réellement leurs droits. Il est vrai que nous leur avons dernièrement donné des certificats, mais pourquoi l'avons-nous fait ? Pour maintenir la paix.

Le gouvernement savait, mon honorable ami, sir David Macpherson, Ie ministre de l'intérieur, savait aussi, que nous ne faisions rien dans l'intéièt des Métis en leur donnant des certificats, en leur accordant des terres. Nous avions consulté à ce sujet des hommes d'expériences et tous sans une seule exception, s'opposaient à ce qu'on donnât tout de suite des certificats illimités et des patentes immédiates aux Métis. Mais l'honorable monsieur a modifié ses idées lorsqu'il a été amené dans le pays. Qui l'a amené dans le pays ? Ce ne sont pas les sauvages, ce ne sont pas les Métis. Les Métis n'ont pas fourni l'argent; l'argent fut envoyé par des spéculateurs blancs de Prince-Albert. Ils en donnèrent à Gabriel Dumont, à Lépine et à d'autre, et ils envoyèrent chercher Riel pour que celui-ci fut l'agent, l'instrument qu'ils emploieraient à servir leur objet. C'est aux blancs, aux hommes de notre race, et non aux Métis, non aux Sauvages qu'il faut attribuer la guerre, les dommages, les pertes de vies, et ce qui aurait été un discrédit, n'eût été la bravoure de nos intrépides volontaires.

Maintenant, M. l'Orateur, je puis prouver qu'il y a eu une noire conspiration. Je suis en état d'établir que le cri de réclamation des Métis n'était qu'un prétexte. Je suis en état de démontrer que les blancs ont trempé dans le compot, et je dirais de plus: Je ne veux en rien accuser Ie député de Durham-Ouest, je ne veux pas donné à entendre qu'il a été partie à ce complot, mais je lui dirai ceci, et je puis le prouver, que l'on s'est, sans scrupule, servi de son nom et que l'on s'est servi sans scrupule du nom de son parti. Ils se sont servis de son nom, non seulement dans le Nord-Ouest, non seulement auprès des Métis, non seulement sur toute la frontière, mais ils s'en sont servis même à Washington. Son nom a été cité à Washington. Je ne crois pas que l'honorable monsieur soit coupable de quoi que ce soit, mais la chose ne sert qu'à démontrer ce que ces hemmes sont capables de faire. L'honorable monsieur, laissez-moi le dire de suite, dans son anxiété d'obtenir des renseignements contre Ie gouvernement, n'est pas très particulier quant aux personnes de qui il les peut obtenir, ni quant à la manière dont il les obtient. Je puis le prouver, s'il en est besoin, et ce, au moyen de sa propre signature, qu'il est allé très loin.

M. BLAKE: Prouvez-le.

Sir JOHN A. MACDONALD: Je le ferai avec une grande répugnance. J'aimerais savoir d'abord si l'honorable monsieur connaît un homme du nom de J. E. Brown ?

M. BLAKE: Oui.

Sir JOHN A. MACDONALD: Très-bien. J. E. Brown faisait autrefois partie de la police à cheval du Nord-Ouest. Il vécut dans cette région et s'employa à l'occupation utile mais peut-être peu populaire, de détectif. J. E. Brown, dans son ardent désir, non seulement de corriger les moeurs du Nord-Ouest, mais aussi d'amasser quelques écus, écrivit à l'honorable député de Durham-Ouest; il lui disait dans cette lettre qu'il pouvait donner un bon nombre de renseignements, et il lui demandait en même temps s'il pouvait lui procurer un permis de circuler. L'honorable monsieur lui répondit qu'il ne pouvait pas lui procurer de permis, mais qu'il le verrait probablement à Toronto, sinon il chargeraît un de ses confident de le voir. Eh bien, je n'ai pas la lettre de l'individu, mais j'ai la réponse de l'honorable monsieur. Brown doit avoir écrit qu'il faisait une demande dans la but d'obtenir un emploi du gouvernement fédéral, qu'il serait bon en conséquence que ses communications fussent tenues secrètes, et qu'après avoir obtenu la place qu'il recherchait, il donnerait tous les renseignements en sa possession.

Et puis l'honorable monsieur lui répondit par lettre qu'il tiendrait ses communications secrètes, jusque ce qu'il eut obtenu son emploi. En d'autres termes, l'individu devait venir auprès du gouvernement dire qu'il en était l'ami pour obtenir de l'emploi du gouvernement, après avoir agi comme espion pour le compte du chef de l'opposition. L'honorable chef de la gauche semble croire que je n'ai pas ces lettres.

M. BLA.KE: Je n'ai pas dit cela.

Sir JOHN A. MACDONALD: Nous allons les lire. M. Blake écrit:

"Ottawa, 7 mai 1885.

Monsieur, - J'ai votre lettre du 6, et je serais de fait très heureux d'apprendre de vous tout fait quelconque relatif à l'administration des affaires du Territoire du Nord-Ouest. Je me rendrais volontiers à votre désir au sujet d'un permis pour Ottawa si la chose était en mon pouvoir, mais je n'ai pas les moyens de procurer des permis de chemin de fer. Il est possible, bien que la chose soit loin d'être certaine que je sois à Toronto, pendant quelques heures dans une couple de jours, et, si la chose arrive, j'essaerais de vous ménager une entrevue, ou si encore je ne puis y réussir, je pourrai ménager une entrevue avec l'un de mes confidents qui prendra note, pour moi seul, de tout-ce que vous jugerez à propos de lui communiquer, si cela vous est agréable.

Votre, etc., EDWARD BLAKE.

J. E. Brown, écr."

C'est là, M. l'Orateur, le prélude du jeu.

"Ottawa, 12 mai 1885.

Cher monsieur, - J'ai votre lettre et je demanderai à un ami de vous rencontrer. Je prendrai soin, comme vous le désirez, que l'on ne fasse pas usage de votre nom à votre préjudice. Je ne le révélerai point jusqu'à-ce que vous ayez eu toutes les occasions possibles d'obtenir une nomination pour les arpentages de cette année, si vous êtes assez heureux de l'obtenir; mais il n'y aura que peu d'arpentages de fait cette année. Je me ferais un plaisir de vous aider à obtenir de l'emploi si la chose était en mon pouvoir, mais je n'ai aucun moyen de vous aider sous ce rapport.

Avec mes remerciements pour vos bons souhaits.

EDWARD BLAKE.

J. E. BROWN, écr."

Dans son impatience de faire voir que ce gouvernement est mauvais, il dit à l'individu de persévérer dans sa demande d'emploi, bien qu'il ne croie pas qu'il y ait beaucoup d'arpentage cette année, et lui promet de ne pas dévoiler son nom. Puis des renseignements devaient être donnés par cet homme qui venait implorer des faveurs auprès du gouvernement, et ces renseignements devaient prouver jusqu'à quel point le gouvernement faisait tort aux intérêts du pays. Ce n'est pas la manière dont un honorable député obtient ordinairement ses renseignements.

Vu la pression continuelle des blancs, vu le fait que les Métis de Prince-Albert étaient les esclaves des blancs, vu le fait qu'ils tenaient des assemblées et pouvaient prendre les armes ou faire ce que leur demandaient les blancs, nous en sommes arrivés à la conclusion que, bien que nous ne considérions pas la chose dans l'intérêt de la population des Territoires, cependant, s'ils ne voulaient accepter rien autre chose -- et nous leur avions offert 160 acres de terre -- s'ils voulaient se mettre à la merci des cormorans, qui les ruinaient et les tenaient dans l'esclavage et dans l'agitation, vu ces faits, nous ne pouvions rien y faire; nous vous donnerons des scrips, leur avons-nous dit bien que nous sachions que cela n'est pas dans votre intérêt et que vous les vendrez à des spéculateurs qui vous en donneront une bagatelle ; mais nous ne pouvons rien y faire ; cette question doit être réglée.

De sorte qu'au dernier moment, avec la plus grande répugnance, je cédai et me dis: "Qu'ils les boivent ou les gaspillent, nous aurons la paix."

Mon estimable et habile successeur, sir David McPherson, se guida sur le même principe et on en vint à la même décision en janvier. Nous savions alors que ce mécontentement se fomentait, poussé par un bon nombre de ces hommes qui vont aujourd'hui déposer contre les Métis. Voilà, M. l'Orateur, ce que nous avons fait. Je le dis et j'en appelle à la Chambre: nous avons agi comme nous devions agir, quand, en 1879, nous sommes revenus au pouvoir et que nous avons constaté que nos prédécesseurs n'avaient rien fait pour régler la question, nous nous sommes adressés aux personnes éminentes de ce pays que nous savions être les amis des Métis, et elles furent d'accord sur un point, savoir, que nous ne devions pas mettre ces certificats qui étaient transférés aux spéculateurs.

Puis, les Métis qui avaient déjà reçu leur part des terres du Manitoba, prétendirent qu'ils avaient déjà résidé au Manitoba, qu'ils souffraient, que leurs amis avaient obtenu des terres et des scrips; et les neuf dixièmes d'entre aux avaient déjà obtenu des certificats du Manitoba et cherchaient à spéculer au Nord-Ouest. On sait aujourd'hui que 14 sur les 17 signataires de la pétition avaient déjà eu leur part de terres au Manitoba. Isidore Dumont, père de Gabriel Dumont, avait sa terre; il en demanda d'autres, et un de ses griefs fut qu'il ne put pas obtenir plus de terrain au Nord-Ouest. Gabriel Dumont a non seulement eu ses 160 acres de terre, tels que promis, mais il avait la meilleure maison de Batoche. Et il en a été ainsi de bon nombre de ces Métis qui avaient déjà ou leurs terres et leurs scrips, mais qui voulaient en avoir d'autres;. L'appétit est venu en mangeant, et bien qu'ils eussent obtenu beaucoup plus que ce que la loi leur accordaient d'abord, ils demandaient encore. Si le temps me la permettait, je pourrais vous prouver plusieurs cas semblables; mais je le ferai peut-être dans une autre circonstance, vu que l'honorable chef de la gauche a dit que nous l'entendrons encore parler sur cette question; je prouverai peut-être, dans une autre circonstance. que lorsqu'on disait que les Métis ne recevaient pas, quand ils le voulaient, leurs scrips ou leurs 240 acres, ce n'était qu'un simple prétexte; cependant Riel, en venant dans le pays, n'avait d'autre but que de faire de l'argent. Il est venu pour les fins les moins avouables possibles, puis a dit une foule de faussetés. Entre autres choses, il a raconté que l'honorable député de York-Est (M. Mackenzie), alors qu'il était premier ministre, lui avait offert $20,000, et que je lui en avais offert $30,000.

L'une des promesses qu'il prétendait qu'on lui avait faites était celle d'un siège au Sénat ou dans le cabinet. Il exploita ces hommes dans le but le plus sordide, et plusieurs colons blancs de Prince-Albert l'encouragèrent, souscrivirent de l'argent pour le faire revenir, tout cela afin de faire un peu de bruit et d'attirer l'attention sur Prince-Albert.

Ils prétendaient vouloir faire régler les réclamations des Métis, mais leur but réel était de mettre de l'argent dans leurs poches.

Je ne retiendrai pas la Chambre plus longtemps ce soir, mais il faut que cette question soit débattue dans tous ses détails. J'ai dit que je relèverais les énoncés faits par le chef de l'opposition sur la question des terres, mais il a confondu toutes les questions. Il préparait son attaque alors que la Chambre était occupée à discuter le bill du cens électoral. Il a creusé et creusé profondément. Qu'il traite la question article par article, phrase par phrase, accusation par accusation, et je me fais fort de convaincre cette Chambre que les accusations sont fausses, que le gouvernement est appuyé par l'opinion de cette Chambre et du pays, parce qu'il a agi au meilleur de son jugement. Je crois et je sais que nous nous sommes trompés de temps à autre, et nous sommes au-dessus d'un mesquin amour-propre qui nous empêcherait de reconnaître que nous avons pu nous tromper. Quand nous avons constaté qu'il valait mieux changer une de nos décisions, nous avons été assez courageux et assez honnêtes pour admettre l'erreur, la corriger et faire des modifications. Qu'est il arrivé ? Je crois que nous pouvons compter sur des sympathies parmi les blancs du Nord-Ouest ainsi que parmi les peaux rouges.

M. MILLS: Écoutez! écoutez!

Sir JOHN A. MACDONALD: L'honorable député dit: Écoutez! Écoutez! mais je puis prouver par le témoignage de tous les sauvages qui ont été sous les armes, Faiseur-d'Étangs, Gros-Ours, Barbu, Petit Pin et Petit Peuplier, non seulement qu'ils ont été bien traités, mais que ceux qui ont été leurs tuteurs, leurs prêtres, admettent que les sauvages n'avaient aucun grief à redresser; et si vous lisez les journaux du Nord-Ouest, lisez le Herald de la Saskatchewan, et vous verrez que nous avons eu tort, que nous avons amadoué les sauvages ; que nous devrions adopter une nouvelle ligne de conduite, mettre les blancs dans une meilleure position, enseigner aux sauvages ce que c'est que la loi; nous ne devons pas les rendre indigents, comme nous avons fait, d'après ce qu'il disent.

M. MILLS: Écoutez! Écoutez!

Sir JOHN A. MACDONALD: L'honorable député dit: Écontez! Écoutez! Eh bien ! M. l'Orateur, je suis venu devant la Chambre à maintes reprises et j'ai exposé l'affaire des sauvages.

J'ai dit que c'était un cas de misère, et, comme chrétiens, nous ne pouvions pas les laisser mourir de faim. Nous avons fait tout notre possible pour les rendre capables de se ,supporter eux-mêmes ; nous avons fait tout ce que nous avons pu pour les engager à cultiver la terre; nous avons fait tout ce que nous avons pu, en leur fournissant du bétail, des instruments d'agriculture, et l'instruction, afin de leur faire quitter la vie nomade pour la vie agricole. Nous avons obtenu des succès très considérables; pendant notre courte période d'essai, nous avons eu infiniment plus de succès que les États-Unis n'en ont eus en vingt-cinq ans. Nous avons obtenu des résultats étonnants, mais encore une fois nous avons eu les suvages; et puis, dans ces Métis incités par des blancs, l'instinct sauvage s'est éveillé; le désir de piller -oui, et, peut-être aussi Ie désir de scalper--l'idée sauvage d'une gloire guerrière, qui règne dans Ie coeur de la plupart des hommes civilisés ou non civilisés, s'est éveillée en eux ; et, oubliant tous les bienfaits dont ils avaient été comblés, oubliant tous les présents qui leur avaient été faits, oubliant tout ce que le gouvernement, les blancs et le parlement du Canada avaient fait pour eux en essayant de les arracher à la barbarie - oubliant que nous leur avions donné des réserves, les moyens de cultiver ces réserves, et les moyens d'apprendre comment les cultiver-oubliant toutes ces choses, ils se sont soulevés contre nous.

Eh bien, M. l'Orateur, nous ne sommes pas responsables de cela; nous ne pouvons pas d'un barbare, d'un sauvage, faire un homme civilisé. Voyez les États-Unis ; voyez les millions qu'ils ont dépensés, pour défendre leurs frontières; voyez la guerre qui se fait actuellement sur la frontière du Sud-Ouest, où il se perd infiniment plus de vies parmi les tribus des Apaches qu'il ne s'en est perdu dans tout notre Nord-Ouest. C'est une guerre sans gloire et qui a coûté beaucoup de sang; mais les Américains ne prennent pas la part du rebelle et du traître ; cela est réservé au chef de l'opposition dans la parlement du Canada. Nous avons acquis le Nord-Ouest en 1870. Pas une vie n'a été perdue, pas un coup n'a été frappé, pas une livre ni une piastre n'a été dépensé' pour faire la guerre dans la longue période qui s'est écoulée depuis. Je n'ai pas hésité à dire à cette Chambre à plusieurs reprises que nous ne pouvions pas toujours espérer de maintenir la paix avec les sauvages que le sauvage était toujours un sauvage et tant qu'il ne cesserait pas d'être sauvage nous aurions toujours devant nous le danger d'une collision, le danger de la guerre, le danger d'un soulèvement. La seule chose qui me surprenne c'est que nous ayons pu maintenir la paix si longtemps. C'est que de 1870 à 1885 pas un seul coup n'ait été frappé, pas un seul meurtre n'ait été commis, pas une seule vie n'ait été perdue. Voyez les États-Unis; le long de toute la frontière des États-Unis il y a eu guerre, des millions ont été dépensés, et les meilleurs et les plus braves soldats sont tombés. J'ai personnellement connu le général Custer et j'ai admiré le brave soldat, Ie héros américain, pourtant, il s' en est allé et il est tombé avec les siens, et pas un seul homme n'est resté pour raconter la terrible histoire ; ils ont tous été emportés.

L'armée américaine a perdu des hommes par centaine; le trésor américain a perdu de l'argent par millions. Nous, par une réunion de circonstances malheureuses, nous avons eu une seule guerre inconsidérément commencée, méchammant commencée, criminellement commencée par ses instigateur. Nous l'avons rapidement et vaillamment étouffée; et M. L'Orateur, c'est une consolation de savoir que si des jeunes gens ont été sacrifiés, si cette Chambre a perdu, comme comme conséquence de cette guerre, l'un de ses membre les plus respectés ces hommes sont allés de leur propre mouvement combattre le combat de leur pays; ils ont gagné de la gloire et de l'honneur, et ils convaincu non seulement les canadiens -- nous n'avons pas besoin de cette conviction -- mais la mère-patrie dont nous sommes si fiers de mériter la bonne opinion, que nous avons une milice aussi bonne que la sienne, que nous avons des hommes qui, non dressés comme ils le sont, peuvent néanmoins entendre la voix de la discipline, et qui sont prêts à faire tout ce qu'on pourrait leur commander pour maintenir l'honneur de leur pays. Leur conduite a rehaussé la crédit du Canada non seulement parmi les hommes bien pensants de l'univers, mais même dans le voisinage sordide de la Bourse. La crédit du Canada a monté parce que Ie Canada a prouvé que, comme son propre vengeur, il est digne de constituer une nation et digne du respect du monde.

M. LAURIER: Je propose l'ajournement du débat.

Motion adoptée.

Sir JOHN A. MACDONALD: Je propose l'ajournement de la Chambre.

La motion est adoptée, et la Chambre s'ajourne à 1 h. a. m., mardi.

 

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