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Robert Laird Borden
Au sujet de la bill navale

Le très honorable sir Robert Laird Borden
Discours à la Chambre des Communes
5 décembre 1912

Le très hon. R. L. BORDEN (premier ministre): J'ai l'honneur de déposer un bill (no 21) autorisant certaines mesures à l'effet -d'augmenter les forces navales de l'empire.

Dans Ies remarques que je me propose d'adresser -à cette Chambre, monsieur l'Orateur, sur un sujet aussi important que celui que je vais discuter, ce n'est pas mon intention de faire de polémique. Si certaines parties de mon discours contredisent, nécessairement des opinions exprimées par des honorables députés de l'un ou l'autre côté de cette Chambre, je veux qu'il soit bien compris que je ne le fais pas dans un esprit de critique, mais seulement pour exposer franchement à la Chambre les raisons qui ont forcé le Gouvernement à adopter la ligne de conduite que je vais maintenant vous faire connaître.

Il ne m'est pas nécessaire de parler de l'accroissement de puissance et d'influence du Canada dans l'empire, accroissement dû à son -développement remarquable, et à l'augmentation extraordinaire et rapide de nos ressources pendant le dernier quart de siècle. Cet accroissement de puissance et d'influence a eu nécessairement pour résultat un certain développement graduel et sûr de nos relations avec l'Empire-Uni et les autres dominions qui en font partie.

L'.évolution des relations constitutiennelles dans l'empire pendant le demi-siècle écoulé n'a pas été moins marquée que ses progrès matériels.

Dans ce développement constitutionnel se pose nécessairement le problème de concilier la coopération avec l'autonomie. Il me semble très essentiel qu'une coopération de ce genre dans la défense et dans le commerce de l'empire soit établie afin de créer dans tout l'empire une organisation effective dans ses questions d'importance vitale. D'un autre côté chaque partie de l'empire doit conserver dans tous ses caractères im portants l'autonomie dont elle jouit aujourd'hui.

La responsabilité de la défense de l'empire sur les hautes-mers, qui est la seule garantie certaine de son existence, et dont le Royaume-Uni s'est chargé, entraîne nécessairement avec elle la responsabilité de guider la politique étrangère. Vu que depuis quelques années toutes les grandes nations augmentent énormément leurs forces navales, cette responsabilité effrayante a imposé un fardeau presque impossible à porter aux Iles-Britanniques, qui depuis près de mille ans exercent une influence si profonde sur l'histoire du monde. Ce fardeau est si onéreux que le jour est arrivé où l'existence de l'empire sera en danger si les jeunes et puissantes colonies ne s'unissent pas à la mère patrie pour protéger la paix et l'héritage de tous. Si la Grande-Bretagne cessait de prendre la responsabilité de la défense sur les hautes mers elle serait forcée de se- libérer de la responsabilité de guider seule la politique étrangère, associée d'une manière si vitale et si constante à cette défense dans laquelle les colonies participent. On a prétendu dans le passé, et même en ces dernières années, que l'Angleterre ne pouvait pas partager avec ses colonies la responsabilité de la politique étrangère. Dans mon humble opinion, l'attachement à ce principe ne peut avoir qu'un seul résultat et des plus désastreux. Pendant mon récent voyage en Angleterre, j'ai exposé dans plusieurs circonstances publiques le principe que les grandes colonies autonomes en prenant part à la défense de l'empire sur les hautes mers, ont nécessairement, par le fait, droit à partager aussi la responsabilité de sa politique étrangère.

De toutes les déclarations que j'ai faites c'est celle qui a été accueillie avec le plus de chaleur et le plus d'enthousiasme, et il est satisfaisant d'apprendre qu'aujourd'hui non seulement les ministres de Sa Majesté, mais, aussi les chefs du parti politique opposé en Angleterre, ont explicitement accepté ce principe, et déclaré qu'il fallait chercher sans délai les moyens d'arriver constitutionnellement à ce but. Avant d'exposer et expliquer la proposition du Gouvernement, je désire appeler l'attention de, la Chambres sur certaine., déclarations que je faisais dans cette enceinte il y a exactement deux ans, lorsqu'on m'a demandé quelle politique nous suivrions après notre arrivée au pouvoir. Voici ce a-que je disais:

"On pourra, avec raison, nous demander ce que nous ferions de cette grave question si nous étions au pouvoir aujourd'hui. Il me semble que notre devoir est tout tracé; si elle en prend les moyens, l'administration se rendra compte et saura si les circonstances dans lesquelles se trouve en ce moment l'empire sont graves ou non en ce qui a trait à la défense navale. Si nous étions au pouvoir, nous nous efforcerions d'obtenir sur la question une réponse simple et claire, et si, cette réponse basée sur l'assurance du gouvernement de la mère patrie et sur le rapport des experts de l'amirauté, comportait, comme je le pense, la nécessité d'une action prompte et effective de la part de ce pays, je demanderais au Parlement de voter l'aide que les circonstances commanderaient. et faute par le Parlement d'y consentir, j'en appellerais du Parlement au peuple. Quant à savoir, monsieur l'Orateur , si le peuple a le droit d'être consulté, dès qu'il s'agit d'une politique engageant l'avenir, cela, pour moi, ne fait pas de doute.

Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre, mais j'ai fait de mon mieux. Il y a, je crois, bien des choses à considérer dans l'étude d'un plan de coopération générale du Canada à la défense de l'empire dans son ensemble. Tout d'abord, et en supposant que le Canada décide de contribuer à la défense de l'empire dans son ensemble, doit-il le faire sans que nous ayons voix dans les conseils impériaux, touchant les décisions à prendre pour la paix ou la guerre dans les diverses parties de l'empire? Cela ne me paraît guère juste et je ne pense pas que le peuple canadien y consentirait volontiers. Et quoi! est-ce que personne de nous, qui représentons ici dans cette Chambre deux cent vingt circonrcriptions d'un pays qui va de l'Atlantique au Pacifique, n'aura, sur ces graves questions qui intéressent l'empire en général, la même voix qui est accordée au plus humble contribuable des Iles-Britanniques? Une condition pareille ne tendrait guère, à mon sens, à assurer l'intégrité de l'empire, à encourager la coopération de ses différentes parties. Voilà des questions qu'il serait bon d'étudier sérieusement avant de formuler une politique permanente. Cette politique, une fois bien comprise et clairement expliquée au peuple, le Gouvernement, quel qu'il soit, devrait appeler la population à se prononcer pour approuver ou désapprouver le projet et obéir à ses volontés."

Le Gouvernement actuel a pris les rênes du pouvoir le 10 octobre 1911, et s'est présenté devant le Parlement le 17 novembre suivrant. Il est à peine nécessaire de dira qu'il était impossible d'aller en Angleterre ou de consulter l'amirauté d'une façon sérieuse tant que la Chambre siégait. Peu de temps auprès la fin de la session j'allai en Angleterre avec quelques-uns de mes collègues, et pendant plusieurs semaines nous pûmes conférer de temps à autre avec le gouvernement impérial, et nous consulter avec les experts de l'amirauré concernant toute la question de la défense navale, et spécialement des besoins actuels et futurs de L'empire. Je désirs exprimer ma chaleureuse appréciation de la manière dont j'ai été reçu par le gouvernement de Sa Majesté qui nous a exposé en toute amité les grandes questions de politique étrangère et de défence de l'empire, et nous a fourni tous les renseignements à sa disposition. Certaines parties de ces confidence sont nécessairement d'un caractère très secret et ne peuvenr étre rendues publiques; mais le Chambre sera mise en possession des parties les plus importante dans un document qui sera déposé cet après-midi sur ce bureau.

Dans l'exposé des moyens de l'empire anglais à maintenir sur les mers une domination qui est essencielle à sa sûreté et à son existance même, il est clair qu'on ne peut pas s'empêcher de parler des autres forces navales. Toutes les grandes puissances font souvent de ces allusions et comparaison qui n'impliquent aucune inimitié dans leurs intentions. Le préambule d'une loi navale proposée par un. grand empire qui s'est imposé à l'attention du monde en ces dernières années, à cause du développement extraordiniarement rapide de ses forces navales, contenait même une mention très distincté de la puissance navale de l'Angleterre.

Je vais maintenant soumettre à cette Chambre les informations que nous a fournies le gouvernement de Sa Majesté, Elles sont contenues dans le mémoire suivant:

"Du secrétaire d'État des coIonies à Son Altesse Royale le Gouverneur général.

Altesse,-- J'ai l'honneur de transmettre à votre Altesse Royale la copie adjointe, d'un mémoire se rapportant aux besoins, de la défense navale de l'empire.

2. Ce document a été préparé par l'Amirauté d'après les instructions du gouvernement de sa Majesté en réponse à la demande de M. Borden. et pour être présenté au Parlement du Canada lorsque les ministres canadiens le jugeront nécessaire.

J'ai l'honneur d'être, etc.,

L. HARCOURT.

Note.

Préparée par I'Amirauté sur la situation navale générale et communiqué au Gouvernement du Canada par le gouvernement de Sa Majesté.

1. Le premier ministre du Canada a demandé au gouvernement de Sa Majesté, par l'entremise de I'Amirauté, de préparer un exposé des besoins présents et prochains de la défense navale de l'empire pour être présenté au Parlement du Canada, si des ministres canadiens le jugent à propos.

Les lords commissaires de l'Amirauté sont prêts à. s'exécuter et à compléter sous une forme qui puisse être rendue publique, les conversations et communications confidentielles qui ont été échangées, ou ont eu lieu, entre l'Amirauté et des ministes du Parlement du Dominion, au cours de leur récente visite au Royaume-Uni.

L'Amirauté se rend parfaitement compte de quel important secours matériel, et encore plus moral, le Canada peut lui être dans ses efforts pour maintenir la supériorité de la marine anglaise sur les hautes mers; mais elle juge nécessaire de se défendre du reproche de vouloir exercer, même de la manière la plus indirecte, une pression sur l'opinion publique au Canada, ou de chercher à influencer le Parlement canadien dans une question qui clairement ne regarde que le Canada.

L'Amirauté,. dès lors, se borne entièrement à exposer la situation telle qu'elle est: ce sera au Gouvernement et au Parlement canadiens à tirer leurs propres conclusions.

2. Afin de se rendre compte si l'empire britannique est dans les conditions voulues pour maintenir cette supériorité maritime, qui est l'indispensable condition de sa sécurité, il y a lieu évidemment de faire de temps à autre le rapprochement de ces conditions avec celles que présentent les autres grandes puissances, et pareil rapprochement ne présuppose aucun mauvais dessein, aucune aigreur, à l'égard de quelque autre puissance ou groupe de puissances. A ce point de vue les progrès de la flotte allemande depuis quinze ans forment le caractère le plus saillant de la situation navale à l'heure actuelle. Ces progrès ont été autorisés par cinq lois successives, savoir, les lois de la :flotte de 1898, 1900, 1906, 1908 et 1912. Ces lois couvrent une période qui se termine en 1920.

Tandis que, en 1898, la flotte allemande comprenait:

9 cuirassés d'escadre, (à l'exclusion des garde côtes),

3 grands croiseurs,

28 petits croiseurs,

113 torpilleurs et

25,000 hommes

maintenus moyennant une dépense annuelle de 6 millions de livres, la flotte complète de 1920 comprendra:

41 cuirassés d'escadre,

20 croiseurs,

40 petits croiseurs,

144 torpilleurs,

72,sous-marins, et

101,500 hommes,

dont l'entretien annuel est estimé à 23 millions de livres. Ces chiffres, cependant, ne donnent pas pleinement l'idée des progrès réalisés, car la grandeur et le coût des navires ont toujours été en augmentant dans le cours de cette période; et l'Allemagne ne s'est pas contentée d'ajouter à leur nombre, elle a méthodiquement remplacé les navires anciens et de petite dimension qui formaient chacun une unité de la flotte primitive, par des vaisseaux modernes des plus puissants et des plus dispendieux. Au reste, les crédits inscrits au budget en exécution de la loi complétée ne représentent pas tout le surcroît de dépense strictement imputable sur la marine allemande, car force dépenses dont est grevé le budget de la marine en Angleterre sont soldées d'autre manière en Allemagne; et la marine allemande comprend une proportion tellement forte de nouveaux navires, que les frais d'entretien et de réparations y figurent pour une somme beaucoup moindre que dans les marines de guerre établies de date ancienne.

3. Le développement de l'effectif de la marine allemande n'a pas été provoqué par le développement de la marine anglaise elle-même. Le gouvernement allemand a déclaré à mainte reprise que sa politique navale n'avait pas été influencée par l'initiative du gouvernement anglais. et les chiffres qui suivent en témoignent éloquemment:

En 1905, la Grande-Bretagne construisait quatre cuirassés, et l'Allemagne, 2.

En 1906, la Grande-Bretagne construisait 3 grands navires, et l'Allemagne augmentait sa flotte de 3.

En 1907, la Grande-Bretagne construisait 3 cuirassés, et l'Allemagne en construisait 3.

En 1908, la Grand-Bretagne construisait 2 autres cuirassés et l'Allemagne ajoutati à sa flotte 4 nouveaux navires.

C'est seulement après que l'Angleterre eut échoué trois années de suite dans ses efforts pour enrayer ou modérer cette ardeur pour les armements maritimes, que l'amirauté, en 1909, résolut, à la suite d'une revue générale de la situation, de prier le parlement de prendre des mesures exceptionnelles en vue de mettre la sécurité de l'empire à l'abri de tous hasards. Cette année-là, la construction de 8 cuirassés fut commencée en Angleterre, 2 autres furent fournis par la conifédération d'Australie et l'État de la Nouvelle-Zélande respectivement, soit un total de 10.

4. Au printemps de la présente année, la cinquième loi de marine de l'Allemagne fut votée par le Reichgtag. Ce qu'il y a surtout de remarquable dans cette loi, ce n'est pas tant l'augmentation de l'affectif des grands navires, tout important que ce soit, mais plutôt le parti plus grand qu'on est à même de tirer des navires de toute catégorie qui seront prêts à marcher de l'avant en toute saison de l'année.

Une troisième escadre, de 8 cuirassés d'escadre sera créée et maintenue en activité comme partie de la flotte en service actif. Tandis que, sous l'empire de la loi antérieure, la flotte du service actif comprennait 17 cuirassés d'escadre, 4 croiseurs cuirassés ou de combat, et 12 petits croiseurs, elle se composera dans un avenir rapproché de 25 cuirassés d'escadre, de 8 croiseurs cuirassé ou de combat et de 18 petits croisseurs, et tandis que au moment actuel, par suite du système de recrutement établi en Allemagne, la flotte allemande est moins complètement mobilisable en hiver qu'en été, elle sera sous l'effet de cette loi, non seulement augmentée dans son effectif, mais rendue plus facilement utilisable. Quatre-vingt-dix-neuf contre-torpilleurs, au lieu de. 66, seront maintenues en service actif, sur un total de 144; 72 nouveaux sous-marins seront construit, aux termes de la nouvelle législation, et sur ce nombre on se propose apparemment d'en maintenir 54 avec plein équipage. A un point de vue général, l'effet de la loi sera d'assurer le maintien de près des quatre cinquièmes de toute la flotte allemande en plein armement. C'est-à-dire prête en tout temps, à prendre la mer au premier avis.

Un changement et un développement si grands dans l'effectif de la flotte allemande présuppose, bien entendu d'importantes additions à son personnel. En 1898, les officiers et marins de la marine allemande formaient un total de 25,000. Aujourd'hui ce total est déjà de 66,000. La nouvelle loi ajoute 15.000 officiers et marins et donnera en 1920 un total de 101,500. Aux termes de la loi, on devra construire trois nouveaux cuirassés, un q'on mettra sur le chantier l'année prochaine, un autre qui fera commencé en 1916, et deux petites croiseurs à l'égard desquels on n'a pas encore fixé de date. La date de la mise en chantier du troisième navire de guerre n'est pas encore fixée. On prévoit que ce sera après l'expiration des six années qu'on a en vue. On estime que le surcroît de dépense, en comparaison des estimations antérieures qu'occasionnera cette augmentation dans le nombre des hommes et dans la quantité du matériel s'élèvera pour les prochains six ans à 10,500.000 livres à répartir sur les budgets successifs.

Les faits indiqués ci-dessus ont été portés à la connaissance de la chambre des communes par le premier lord de l'Amirauté, le 22 juillet 1912

5. L'effet de la nouvelle loi de la marine allemande est de développer dans une remarquable mesure la force et la facilité de mobilisation de cette marine. Le nombre des navires de guerre et grands cuirassés tenus constamment prêts et en plein armement est porté par la loi de 21, chiffre actuel, à 33, augmentation de 12, soit de 57 p. 100.

La nouvelle flotte comprendra au début à peu près 20 cuirassés et grands croiseurs de l'ancien modèle, mais graduellement, au fur et à mesure de la construction de nouveaux navires, l'effectif réel de la flotte augmentera. jusqu'à ne plus comprendre que des vaisseaux de construction récente.

L'effectif complet de la flotte allemande, indiqué dans, la loi la plus récente, comprendra cinq escadres de guerre, plus un vaisseau amiral, en tout 41 cuirassé d'escadre, chacune accompagnée par une escadre complète de croiseurs cuirassé ou de combat, y compris de petits croiseur et des auxiliaires de toute sorte, et aussi de nombrouses flottilles de contre-torpilleurs et sous-marins.

Ce plein développement ne sera realisé que petit à petit, mais déjà en 1914, deux escadres, suivant les renseignements en la possession de l'amirauté, seront entièrement composées de ce qu'on désigne sous le nom de "dreadnoughts" et la troisième consistera en bons navires du type "Deutschland" et "Braunschweig" ainsi que de 5 croiseurs cuirassés du type "Dreadnought."

Cette grande flotte n'est pas dispersée sur tous les points du globe en vue de la protection du commerce ou de l'accomplissement des devoirs d'une métropole; au reste, sa composition et son caractère ne sy prêtent pas. Elle est concentrée et retenue à proximité de l'Allemagne et des côtes d'Angleterre.

Il est opportun de signaler à l'attention l'explicite déclaration des raisons de tactique justifiant l'existence de la flotte allemande aux termes du préambule de la loi de marine de 1900, comme il suit:

En vue de protéger le commerce intérieur et extérieur de l'Allemagne dans les conditions actuelles, une seule chose suffit, celle-ci: l'Allemane doit posséder une flotte de combat d'un effectif tel que même la puissance navale la plus redoutable ne puisse, sans mettre sa propre suprématie maritime en danger, engager la lutte avec elle. Dans ce but, il n'est pas d'absolue nécessité que la flotte allemande soit aussi forte que celle de la plus grande puissance navale, car, d'une manière générale, une grande puissance navale ne sera pas en mesure de concentrer toutes ses forces contre nous.

6. Il y a lieu maintenant de prévoir quelle sera la situation en 1915.

Eaux anglaises.

Au printemps de l'année 1915 -

La Grande-Bretagne aura 25 cuirassés cadre du type "Dreadnought" et 2 du type "Lord-NeIson."

L'AIlemagne aura 17 cuirassés d'escadre du type "Dreadnought."

La Grande-Bretagne aura 6 grands croiseurs.

L'AlIemagne aura 6 grands croiseurs.

Cette marge maintenue en ce qui regarde les nouveaux navires est sage et modérée. Elle ne pêche pas par l'excès de prudence. Si elle est suffisante pour le moment, c'est que Ia Grande-Bretagne a une grande supériorité sous le rapport des vaisseaux de ligne, et surtout des croiseurs cuirassés de l'époque antérieure à l'apparition des dreadnoughts.

Sa supériorité de ce fait va constamment diminuer d'année en année, d'une manière absolue, au fur et à mesure que les navires actuels deviendront plus anciens, et d'une manière relative, à cause de la plus grande puissance des navires de construction récente. Ce changement s'opérera avec plus de rapidité ,si l'Allemagne augmente, ou hâte ses constructions nouvelles. Au fur et à mesure que la chose se fera, l'empire britannique devra faire des efforts de plus en plus considérables.

Station de la Méditerrannée.

Quatre grands croiseurs et quatre croiseurs cuirassés seront nécessaires pour la défense des intérêts anglais dans la Méditerranée, dans le cours des années 1913 et 1914. Dans le cours de cette période, les marines de l'Autriche et de l'Italie vont graduellement augmenter leurs effectifs, et en 1915 chacune possédera une flotte formidable de 4 et 6 cuirassés du type "Dreadnought" respectivement, ainsi que de forts vaisseaux de lignne d'un type entérieur au "Dreadnought", et autre Unités, telle que croiseurs torpilleur, etc. Il est donc évident qu'en 1915 notre escadre de quatre grande croiseurs et de quatre croiseurs cuirassés ne répondra plus au besoin et qu'il faudra remettre à l'étude toute la question de sa composition.

Eaux extérieures.

Il est devenu nécessaire dans les derniers dix ans de concentrer la flotte pour la plus grande partie dans les eaux anglaises.

En 1902, 160 navires anglais stationnaient dans des mers lointaines, contre 76 aujourd'hui.

7. La suprématie en matière navale, peut être de deux sortes, générale ou locale. La suprématie générale en matière navale est assurée lorsqu'on est en mesure de battre et de chasser des mers la flotte ennemie ou coalition de flottes ennemies la plus forte possible. La supériorité locale est assurée lorsqu'on est en mesure de dépêcher en temps opportun, ou de maintenir en permanence, en un point éloigné quelconque, des services suffisantes pour vaincre l'ennemi ou le maintenir en respect jusqu'à ce qu'un résultat décisif ait été obtenu ailleurs. C'est la Suprématie maritime générale de la Grande-Bretagne qui fournit la principale garantie de sécurité pour les intérêts de ces grandes possessions de la couronne. C'est cette supériorité qui depuis des années tient en respect tous ceux qui seraient tentés de porter la main sur elles ou de leur manquer d'égards.

Ici, il y a lieu de tenir compte de la rapide expansion du commerce maritime du Canada, et de l'immense valeur des chargements de marchandises canadiennes constamment à flot dans des navires anglais ou canadiens. Si l'on en croit les chiffres fournis par notre département du Commerce à la conférence impériale en 1911, la valeur annuelle du commerce d'outre-mer du Dominion canadien s'élevait en 1909-1910 à non moins de 72 millions de livres; le tonnage des navires canadiens était de 718,000 tonneaux, et continue d'augmenter. Pour la protection de tout ce commerce, sur quelque point qu'il se porte des mers les plus lointaines, ainsi que pour le maintien de ses communications à la fois avec l'Europe et l'Asie, le Canada compte et a toujours compté sur la marine impériale, sans contribution ou dépense correspondante.

En outre, à l'heure actuelle, et dans un avenir prochains la Grande-Bretagne est toujours en mesure, au Moyen de dispositions spéciales et par la mobilisation d'une partie des réserves, de dépêcher, sans trop courir de risques chez elle, une redoutable flotte de navires de guerre et de croiseurs, pour se joindre à la marine royale australienne et aux escadres anglaises de Chine et du Pacifique pour la défense de la Colombie Anglaise, de l'Australie et de la NouvelleZélande.

Et ces populations sort aussi protégées, leurs intérêts sont sauvegardés par la puissance et l'autorité de la Grande-Bretagne, tant que sa force navale demeure intacte.

8. Cette puissance tant absolue que que relative deviendra moindre à mesure non seulement que s'accroîtra la flotte allemande, mais que d'autres et nombreux pays, simultanément, construiront de grands navires de guerre moderne.

Pendant que, cette année, la Grande-Bretagne possède 18 navires du type des "Dreadnought" contre 19 de ce même type possédés par les autres puissance européennes, et qu'elle en possèdera en 1913, 24 contre 21, la. proportion en 1914 sera de 31 à 33, et, en 1915, de 35 à 51.

L'existence de nombreuses marines comprenant toutes des vaisseaux de premier ordre, demande que l'on en tienne compte pour son effet sur la possibilité de combinaisons adverses qui se formeraient soudainement. Une supériorité plus grande à l'intérieur redonnerait, entre autres choses, une plus grande liberté de mouvement aux escadres britanniques sur toutes les mers et augmenterait directement la sécurité des colonies autonomes. Tout ce qui augmente notre supériorité relative en fait de navires du dernier modèle diminue l'effort à soutenir et augmente notre sécurité en même temps que nos chances de n'être pas molestés.

9. Quelque décision que prenne le Canada dans la présente occurrence, la Grande-Bretagne ne manquera, dans aucune circonstance à son devoir envers ses possessions d'outre-mer.

Elle a jusqu'à présent réussi à tenir tête, seule et sans aide, aux plus formidables coalitions, et, par une sage politique et d'énergiques efforts, elle encore capable de veiller aux intérêts vitaux de l'empire et de les défendre.

L'Amirauté est sure que le gouvernement de Sa Majesté n'hésitera point à demander à la Chambre des communes les fonds que les circonstances de chaque année peuvent requérir. Mais l'aide que le Canada pourrait donner à l'heure actuelle ne doit pas se borner à, de l'argent ou à des vaisseaux. Tout acte du Canada tendant à accroître la force et l'activité de la marine impériale, et à augmenter par là notre sécurité commune, serait partout reconnu comme un indice très significatif de la solidité de l'empire et de l'intention, à nouveau exprimée, des colonies autonomes de prendre part au maintien de son intégrité.

10. Le premier ministre du Canada ayant demande sous quelle forme une aide immédiate de sa part serait la plus effective, nous n'avons aucune hésitation à répondre, après une étude prolongée de toutes les circonstances, qu'il est à désirer que cette aide prévoie la construction d'un certain nombre des plus grands et des plus forts navires de guerre.que la science puisse bâtir ou que l'argent puisse procurer."

Dans ce vingtième siècle de l'ère chrétienne, dans ce siècle qui se vante de sa civilisation, la tendance croissante des peuples à s'armer les uns contre les autres n'est pas seulement regrettable, mais elle est affligeante et inquiétante. Puisse le jour être proche où les différends entre nations se régleront par un recours à un tribunal établi du consentement de chacune d'elles, et constitué de façon que ses décrets commandent infailliblement le respect et l'obéissance. Toutefois, si la guerre est encore l'arbitre suprême entre les peuples, n'oublions jamais, nous à qui a été confié le soin de ce vaste héritage, que nous sommes les gardiens de sa sécurité.

Les Canadiens comprennent-ils suffisamment la différence qui existe entre les dangers qui menacent notre empire sur mer et ceux de toute autre nation? Les armées de l'Europe continentale comptent leurs hommes par millions et non par milliers. Elles sont excellemment équipées et organisées.

La population tout entière a été militairement dressée, et chacun de ces pays est absolument à l'abri d'une invasion de la Grande-Bretagne, qui ne pourrait y expédier au plus que cent à cent cinquante mille hommes. Une pareille armée serait surpassée en nombre dans la proportion de vingt à un par n'importe laquelle des grandes puissances européennes. L'empire britannique n'a jamais été une grande puissance militaire, et, dans le passé comme dans le présent, elle a basé sa sécurité presque entièrement sur la valeur de sa marine. Un grand échec sur les hautes mers rendrait les Iles-Britanniques ou n'importe laquelle des colonies autonomes sujettes à une invasion par quelque grande puissance militaire. La perte par la Grande-Bretagne d'une bataille décisive annihilerait en quelque sorte le Royaume-Uni; elle ébranlerait l'empire britannique jusque dans ses fondements et elle modifierait profondément la destinée des parties qui la composent. Les avantages que gagnerait la Grande-Bretagne, en détruisant les forces navales de quelque autre puissance seraient nuls, sauf en ce que le résultat assurerait la sécurité de l'empire.

D'un autre côté, il n'est à peu près aucune, limite aux prétentions que pourraient nourrir les autres puissances si la flotte anglaise était une fois détruite ou mise hors de service. Il y a de graves raisons de s'inquiéter pour le jour où la suprématie morale de l'empire semblera sur le point d'être défiée avec -succès.

Le fait saillant qui arrête notre attention dans un examen de la situation actuelle des forces navales britanniques est celui-ci. Il y a douze ans, la marine, et le drapeau de l'Angleterre prédominaient sur toutes les mers du globe et le long des côtes de tous les continents. Aujourd'hui, ils ne prédominent nulle part ailleurs que dans la mer du Nord. La suprême obligation d'assurer sa sécurité dans ses propres eaux, la Grande-Bretagne la remplit en retirant de toutes les parties du monde ou en- réduisant ses escadres, et par la concentration dans le voisinage des Iles-Britanniques de presque toutes ses forces navales effectives.

En 1902, il y avait dans la Méditérrannée cinquante-cinq navires de guerre anglais. Il y en a aujourd'hui dix-neuf. Il y en avait quatorze dans les-eaux de l'Amérique du Nord et dans celles des Antilles; il n'en reste plus que trois. Sur la côte sud-est de l'Afrique du Sud, il y en avait trois; il en reste un aujourd'hui. Il y en avait seize au Cap-de-Bonne-Espérance; aujourd'hui, il y en a huit. Dans le Pacifique, il y en avait huit; il n'en reste que deux. Il y en avait quarante-deux dans les eaux chinoises; il y en a trente et un maintenant. En Australie, douze; aujourd'hui, huit. Aux Indes orientales, dix; aujourd'hui, neuf. Au total, il y avait, en 1902, cent soixante navires dans les eaux de l'étranger et des colonies contre soixante-seize aujourd'hui.

Ne vous figurez pas que ceci ait été fait au moyen d'une réduction de la défense,car c'est le contraire qui a eu lieu. La dépense totale de la Grande-Bretagne pour sa marine en 1902 était inférieure à 152 millions; pour le présent exercice, elle dépassera 220 millions. Pourquoi donc les forces navales de l'empire ont-elles été à ce point réduites dans le monde entier,si en même temps la dépense a presque doublé? Simplement parce que la force croissante des autres marines et de la marine allemande en particulier a obligé la Grande-Bretagne, non seulement à augmenter sa flotte, mais à la concentrer dans le voisinage des Iles Britanniques; et il va sans dire que, dans les eaux nationales, il y a eu une importante augmentation de force. Bref, le besoin ,de faire face à une situation modifiée a été si pressant et si incessant qu'en dépit d'une dépense considérablement accrue, en dépit de tous les efforts possibles, l'amirauté, s'est vue contrainte, par la force des circonstances, à retirer ou à diminuer, dans le monde entier des flottes qui, au moment du danger, sauvegardaient la sécurité et l'intégrité des colonies et qui, en temps de paix, étaient le symbole vivant et visible du bien qui unit tous les sujets de la couronne.

Il n'est ni nécessaire ni désirable ici de débattre ou discuter la probabilité ou l'imminence d'une guerre. Le réel motif d'agir ou de nous abstenir est cette absolue sécurité présente ou absentes Nous ne pouvons nous contenter de rien moins, car le risque est trop grand. Il ne faudrait jamais oublier qu'il n'est. pas besoin d'une guerre, d'un coup de fusil tiré ou d'un coup frappé, pour que disparaisse notre suprématie navale et avec elle la seule garantie qu'ait l'empire de continuer à exister. Je désire particulièrement appuyer sur cette considération; car l'histoire de tous les temps et surtout l'histoire des temps modernes nous avertit, par des faits graves et nombreux, que le dénouement des grandes aventures peut être déterminé et l'est souvent non pas par une guerre se terminant par la victoire ou par la défaite, mais par le simple fait d'une supériorité navale ou militaire bien établie et sur laquelle on ne peut se méprendre.

Le fait de routes commerciales, indispensables à la continuité de l'empire, inssufisamment défendues et insuffisamment protégées par suite de la nécessaire concentration de ses forces navales dans les eaux domestique, est extrêmement grave et toujours alarmante. Cette année même, on a retiré de la Méditerrannée des navires stationnés à Malte pour les amener à Gibraltar, d'où il sera plus facile de les faire venir au besoin dans les eaux anglaises.

Pour la même raison, la flotte de l'Atlantique stationnée à Gibraltar a été ramenée dans le voisinage des Iles-Britanniques. Dans de pareilles conditions, le drapeau anglais ne prédomine plus dans la Méditerrannée, et il sera impossible, nonobstant tous les efforts de l'empire , de regagner, avant 1915 ou 1916, la forte position qui lui est nécessaire sur cette importante route. L'Autriche-Hongrie, avec seulement 140 milles de littoral et sans colonie aucune, crée dans la Méditerrannée une formidable flotte de dreadnoughts qui atteindra son plein développement d'ici à trois ans. Elle sera appuyée par de forts navires du type qui a précédé les dreadnoughts, par des croiseurs, des torpilleurs et autres bâtiments auxiliaires. La flotte de l'Italie dans les mêmes eaux sera encore plus puissante et plus formidable.

Le retrait de navires anglais de tant de mers pour les concentrer dans les eaux domestiques a été nécessaire, mais il est malheureux.

Jadis notre marine de guerre dominait sur toutes les mers, et le pavillon blanc était le symbole de notre empire des mers. L'heure n'est-elle pas venue de restaurer l'ancien ordre de choses. Sur nos propres côtes, tant de l'Atlantique que du Pacifique, stationnaient, il y a douze ans à peine, de puissantes escadres. Aujourd'hui le pavillon est disparu du littoral des deux mers. Grâce à l'aide projetée, m'assure-t-on, on pourra prendre les mesures voulues pour que, sans aller au devant du désastre dans la mère patrie, on établisse une bonne flotte de cuirassés et de croiseurs sur le Pacifique, et qu'une puissante escadre visite périodiquement notre littoral de l'Atlantique et affirme de nouveau notre suprématie maritime le long de ces côtes.

Je n'oublie point, toutefois, que c'est la suprématie maritime de L'empire en général qui est la principale sauvegarde des dominions d'outre-mer. Le cuirassé de la Nouvelle-Zélande est rangé en ligne avec les autres bâtiments de guerre britanniques dans la mer du Nord, parce que c'est en protégeant le coeur même de l'empire qu'on sauvegarde le mieux les intérêts de la Nouvelle-Zélande.

En présentant nos propositions, il est bon de rappeler que nous ne nous engageons nullement à l'établissement d'un système de contributions régulières et périodiques. Je souscris toujours à la résolution adoptée par cette Chambre en 1909, déclarant que le paiement de pareille contribution ne saurait être la meilleure solution du problème de la défense.

D'après les renseugnements que j'ai donnés à cette Chambre, la situation, à mon avis, est assez grave pour provoquer une initiative immédiate. Nous avons demandé au Gouvernement de Sa Majesté sous quelle forme il serait préférable d'accorder une aide provisoire et immédiate, en ce moment. La réponse donnée sans hésitation et sans ambages, je vais la répéter:

"Nous n'hésitons nullement à répondre après mûre étude de tous les faits, qu'il est désirable que pareill aide stipule la construction d'un certain nombre des plus puissants vaisseaux de guerre que la science puisse construire ou l'argent procurer."

Après être allés aux renseignements auprès de l'amirauté sur le coût de pareil bâtiment de guerre, on nous a informés que le coût serait approximativement de 2,350,000 livres y compris l'armement et le magasin.

Le coût. global de trois pareils bâtiments de guerre, qui, une fois lancés figureront parmis les plus puissants du monde, atteindra approximativement $35,000,000 et nous demandons au peuple canadien, par l'entremise de son Parlement, d'accorder cette somme à Sa Majesté le roi de la GrandeBretagne et de l'Irlande et des dominions d'outre-mer, et cela afin d'accroître l'effectif des forces navales de l'empire, protéger les côtes et notre commerce maritime et assurer la sécurité de l'héritage commun à tous ceux qui doivent fidélité au roi.

Ces bâtiments de guerre seront à la disposition de Sa Majesté le roi pour la commune défense de l'empire. C' est à la marine militaire royale qu'incombe le soin de leur entretien et de leur direction, et nous possédons l'assurance que si, un jour à venir, le peuple canadien veut établir une unité canadienne de la marine de guerre royale, le Gouvernement fédéral pourra rappeler ces bâtiments pour qu'ils fassent partie de cette unité, et le cas échéant, c'est sur le Gouvernement canadien que retomberait les frais de leur entretien et non pas sur la Grande-Bretagne.

En pareilles circonstances il faudrait signifier avis de tel rappel dans un délai légitime; et en réalité le Canada ne saurait ni désirer ni suggérer le retrait soudain d'un si puissant contingent d'un important théâtre où les forces navales de l'empire pourraient se trouver exposées à quelque attaques grave et soudaine. Au demeurant, j'ai l'assurance qu'on prendra les dispositions voulues pour mettre les Canadiens en lieu de servir comme officiers, sur ces navires.

Je ne veux nullement ici faire de polémique, mais qu'on me permettre un mot au sujet de l'organisation navale de la Grande-Bretagne. Evidemment, il serrait impossible de faire une étude approfondie de pareille organisation en quelques semaines, où même en quelques mois; mais depuis quelques années, et surtout l'été dernier, j'ai pu m'éclairer sur ces méthode, sa nature, la valeur de cette organisation et je puis légitimement conclure de cet examen que c'est l'organisation la plus complète et la plus puissante qui soit au monde.

Il est certaines propositions que je me contente d'indiquer en passant; entre autres, on voudrait créer une grande organisation navale au Canada. A mon humble avis, il faudrait un quart de siècle ou même un demi-siècle poux créer ici une marine militaire d'une certaine valeur. Et même elle ne remplacerait que fort imparfaitement cette magnifique organisation que possède déjà l'empire, fruit du travail de plusieurs siècles de recherches minutieuses et d'efforts inlassables. Qu'est-t-il besoin d'entreprendre cette tâche périlleuse cette coûteuse expérice d'une marine militaire réservée spécialement au Canada, alors qu'à de justes conditions, parfaitement compatibles, avec notre honneur est notre dignité nationales, il nous est possible de participer, à notre gré, à la défense navale, et cela en coopérant avec l'organisation navale de l'empire, et ainsi pleinement bénéficier des effoits et des ressources de la disposition du Canada?

Où ces. bâtiments de guerre se construiront-ils? Ils se construiront sous la surveillance de l'amirauté du Royaume-Uni, et cela pour la bonne raison qu'il n'existe pas au Canada de Facilités pour de pareilles Constructions.

Les chantiers maritimes dont on a. besoin pour la construction. d'un dreadnoucht sont gigantesques et il serait impossible actuellement de suffire à l'entretien de semblables arsenaux au Canada. Dans tous les cas, la coque seule pourrait être construite dans notre pays, car la machinerie, le. blindage et les canons devraient être nécessairement manufacturés ou fabriqués en Angleterre. La dépense supplémentaire qu'impliquerait la construction au Canada serait d'environ $12.000.000 pour Ies trois navires et il serait impossible d'estimer le retard qui en découlerait. Personne n'est plus désireux que moi d'aider au développement des chantiers de constructions maritimes au Canada, mais nous ne pouvons pas, pour aucune considération économique ou commerciale, commencer par la construction des dreadnoughts; nous ne pourrions du reste pas le faire au moment où ces navires sont de conctruction urgente et doivent être lancés au plus tard dans deux ou trois ans pour donner à l'empire l'appui dont peut dépendre son existence future. D'après moi, le développement de l'industrie des constructions maritimes doit pour réussir au Canada, commencer par des entreprises modestes et pratiques.

J'ai-discuté ce sujet avec l'amirauté, et elle comprend parfaitement qu'il n'est pas avantageux à l'empire de concentrer dans le Royaume-Uni tous les chantiers maritimes. Je suis sûr, par conséquent, que l'amirauté est prête à donner tout prochainement des ordres pour la construction au Canada de petits croiseur, de bateaux-citernes et autres navires auxiliaires de différentes sortes. L'outillage nécessaire est peu de chose comparativement à ce qu'exige la construction d'un dreadnought, et une pareille entreprise aurait, à un point de vue pratique, une base plus sûre et plus durable. Afin d'encourager une industrie si importante et si utile, nous avons exprimé notre intention de nous charger pour un temps du moin, d'une partie des frais ainsi accrus.

Avec le. développement des chantiers maritimes, je ne serais pas surpris de voir s'établir au Canada des usines d'un ordre élevé, où l'art de l'ingénieur -s'exercera à la productionl d'article,que nous importons aujourd'hui et qui ne se fabriquent pas encore chez nous. C'est pourquoi, bien que la somme que nous projetons de consacrer à l'aide nécessitée par les besoins impérieux du moment doive êtire dépensée en Angleterre, nous croyons cependant que cet acte de notre part aura pour effet, dans les conditions que j'ai énoncées, de développer d'une façon très marquante, plus d'une industrie au Canada, et même qu'à un point, de vue purement économique et matériel cet acte se recommande de bien des manières.

Ces bâtiments de guerre, seront une aide, apportée par le peuple canadien à Sa Majesté le roi, comme gage de sa bien ferme détermination de coopérer au maintien de l'intégrité de l'empire et à repousser tout, danger qui pourrait menacer sa sécurité. Il était souverainement convenable que cette circonstance favorable se présentât au moment ou la couronne est représentée au Canada par Son Altesse Royale le Gouverneur général qui a rendu de si précieux et éminents service à l'État et prend un si profond et si vif intérêt à tout ce qui touche au bien-être et à la sécurité de chaque partie des dominons de Sa Majesté. Le Canada envoie ces vaisseaux se ranger en ligne de bataille pour l'empire, à côté de ceux de la mère patrie, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Ces bâtiments de guerre seront les trois plus puissants navires de guerre du monde et ils porteront des noms empruntés à l'histoire du Canada. Ainsi, tout Canadien qui verra ces navires ou en lira la description saura que c'est un don auquel il a participé et que, par leur présence dans la ligne de bataille de l'empire, il a directement pris part au maintien de la sécurité de l'empire.

Nulles nations modernes possédant un important commerce maritime ne saurait négliger son intérêt sur les mers. A Dieu ne plaise que, dans ce pays-ci, nous cherchions à favoriser ou à encourager les tendances militaristes ou l'esprit d'agression. Jamais l'empire britannique n'entreprendra de guerre ou ne se livrera à l'agression, et certes toutes les influences du Canada se rangeraient de concert contre pareille entreprise; mais, on le sait, depuis cinquante ans, la guerre a souvent éclaté à l'improviste, comme un coup de foudre par un ciel serein et la puissance, l'influence, la destinée de plus d'une nation en ont ressenti le profond contre-coup. Une guerre maritime surtout peut éclater soudain, car ces tout puissants engins de guerre sont toujours prêts pour la bataille. La sécurité, l'existence même de l'empire dépendent de sa puissance maritime. Si jamais il nous faut abdiquer l'empire des mers, il est possible que cela arrive, sans guerre, mais en présence d'une force écrasante; alors, les artères de l'empire cesseront de battre, le sang cesssera de couler dans ses veines: ce sera la dissolution à bref délai.

Mais pourquoi négliger un devoir qui s'impose à nous et advenant qu'un irréparable désastre s'ensuive, quelle serait notre destinée future? Evidemment, ou bien nous deviendrions une nation indépendante, ou bien une importante section de la république voisine. Quelles seraient alors nos responsabilités et quel fardeau retomberait sur nos épaules, pour nous assurer sur la haute mer une protection bien inférieure en puissance et en valeur à celle dont nous jouissons aujourd'hui. Voici, par exemple, une nation qui, par le territoire, les ressources, la population et la richesse peuvent facilement soutenir la comparaison avec le Canada. Le budget naval de l'Argentine, pour les quatre années, de 1909 à 1912 inclusivement, a atteint le chiffre de $35,000,000. En outre, le parlement de l'Argentine, pour ces quatre années, a voté plus de $40,000,000 affectés à certaines dépenses spéciales de l'armée et de là marine militaire. La statistique à notre disposition ne permet pas de préciser le chiffre de la dépense affectée aux usages de la marine militaire sur cette dernière somme; mais la plus forte partie, paraît-il, a été consacrée aux constructions navales. On peut sans crainte affirmer que, depuis quatre ans, le budget naval de l'Argentine a oscillé entre soixante-cinq et soixante-dix millions.

Le budget militaire et naval des États-Unis comprend une dépense globale de $250,000,000 à $300,000,000. soit $2.75 par tête d'habitant. Une dépense similaire pour le Canada se résumerait à un budget de $20,000,000 ou $25,000,000, soit pour la même période quatre-vingts ou cent millions.

Il est évident que l'aide que nous nous proposons de fournir en ce moment est modérée et raisonnable. Pendant quarante cinq ans sous le régime, de la Conféfération, nous avons joui de la protection de la flotte britannique, sans qu'il nous en ait coûté un. seul dollar, et j'en suis fermement convaincu, en faisant librement l'offre de cette aide par l'entremise de son Parlement, le peuple canadien obéit au sentiment du respect de soi-même.

Dans la mesure où la statistique officielle peut nous éclairer, la dépense effectuée par l'Angleterre au XIXe siècle, pour la défense militaire et navale des provinces dont se compose aujourd'hui le Canada, atteint le chiffre de $400,000,000.

Même depuis l'inauguration de la confédération et depuis que le Canada a atteint la situation d'un grand dominion, la dépense effectuée par la Grande-Bretagne pour la défense navale et militaire du Canada dépasse de beaucoup la somme que nous demandons aujourd'hui au Parlement de voter. De 1870 à 1890, le coût proportionnel des escadres de l'Atlantique-Nord chargées de la protection de nos côtes a oscillé entre $125,000,000 et $150,000,000. De 1853 à 1903, la dépense effectuée par la Grande-Bretagne pour la défense militaire au Canada a presque atteint le chiffre de cent millions de dollars.

Sa protection du drapeau et le prestige de l'empire ont-ils eu quelque importance pour nous, durant toute cette période de temps? Les exemples se présentent en foule à mon esprit au milieu des désordres qui avaient éclaté dans un pays lointain, un citoyen canadien fut arrêté sans cause valable et reçut cinquante coups de fouet. On en appela à la Grande-Bretagne et qu'en résultat-il? On fit publiquement des excuses à ce Canadien et il reçut cinquante livres pour chaque coup de fouet. En temps d'émeute et en plein règne de terreur dans une ville étrangère, une communauté religieuse canadienne demeurait dans la plus grande sécurité: "Ne craignez-vous donc pas, lui demande-t-on? Mais non, répond-on sans la moindre hésitation; l'Union-Jack flotte sur nos têtes.

J'ai fait allusion à la difficulté qui se présente de trouver une base acceptable qui permettrait aux grandes colonies de recevoir et de revendiquer, en retour de leur coopération à la défense de la mère patrie, une voix proportionnelle dans la gestion et la direction de la politique étrangère. Quand nous avons siégé dans le comité de la défense impériale avec les ministres anglais, nous avons étudié ces deux sujets de très près.

Ce comité est constitué d'une façon très curieuse, mais d'après moi il rend de grands services. Il est composé du premier ministre d'Angleterre et des personnes qu'il veut convoquer pour en faire partie. En réalité tous les membres du cabinet assistent de temps en temps aux délibérations et habituellement les ministres les plus importants sont présents. De plus les experts navals et militaires et les fonctionnaires techniques des départements intéressés sont à la disposition du comité.

Une très grande partie des travaux du comité est accomplie par des sous-comités souvent composés en partie de personnes qui ne sont pas membres du comité général lui-même, mais qui sont désignées en raison de leur connaissance spéciale des sujets à étudier et qui doivent faire l'objet d'un rapport. La somme de travail qui a été accomplie de cette manière, depuis cinq ou six ans en particulier, est surprenante, et je ne doute pas qu'elle ait contribué largement à l'heure du danger, à la sécurité de tout l'empire. Au point de vue technique ou constitutionnel, le comité n'est pas responsable à la chambre des communes et dès lors il n'est pas supposé s'occuper de politique. Comme un si grand nombre de membres importants du cabinet sont invités à faire partie du comité, ses conclusions sont ordinairement acceptées par le ministère et, partant, sont accueillies à la chambre des communes avec l'appui de la majorité. Si le comité n'a aucune influence sur la politique et ne pourrait même pas en avoir, parce qu'il n'est pas responsable envers le Parlement, il est de toute nécessité obligé d'étudier constamment la politique et les relations étrangères pour la raison toute naturelle que la défense, et spécialement la défense navale, est inséparablement liée à une telle étude.

J'ai reçu l'assurance du gouvernement de Sa Majesté, qu'en attendant la solution définitive de la question des voix et de l'influence, il consentirait avec plaisir à la présence à Londres d'un ministre canadien pendant toute ou partie de l'année. Ce ministre serait convoqué régulièrement à chacune des réunions du comité de la défense impériale et il serait considéré comme un de ses membres permanents. Aucune démarche importante de la politique étrangère ne serait entreprise sans consulter ce représentant du Canada. Cela parait être un pas important fait en avant en ce qui concerne nous-mêmes et le Royaume-Uni. Cela nous donnerait la possibilité d'être consultés et par conséquent cela nous procurerait une influence que nous n'avons pas possédée jusqu'à ce jour.

Les conclusions et les déclarations de la Grande-Bretagne en ce qui concerne les relations étrangères ne pourraient pas manquer d'acquérir une nouvelle force si l'on savait que la consultation et la coopération avec les colonies anglaises sont devenues une réalité.

Aucun esprit réfléchi ne peut manquer de comprendre que des questions très complexes et très difficiles à résoudre,se présentent à ceux qui croient que nous devons trouver une base de coopération permanente dans la défense navale et que cette base doit accorder aux colonies d'outre-mer la direction de la politique étrangère.

Il eût été inutile de s'attendre, et en réalité nous ne nous sommes pas attendu à obtenir, dans l'espace des quelques semaines qui ont été à notre disposition l'été dernier, une solution définitive de ce problème qui est aussi inéressant que compliqué, qui est aussi intéressant que compliqué, qui touche de très près à la destinée future de l'empire et dont l'importance est plus grave encore pour les Iles-Britanniques que pour le Canada. Mais je conçois qu'il n'est pas impossible de le résoudre, et qu'elle que soit la difficulté de la tâche, ce n'est pas le rôle de la sagesse ni de la science-politiques, de l'esquiver. Nous adressons donc aux hommes d'État d'Angleterre l'invitation d'étudier avec nous le problème réel de la vie impériale.

Les dix ou vingt années qui vont suivre seront fertiles en grands résultats pour l'empire et il est absolument important que des questions de politique purement intérieure, quelqu'en soit l'urgence, n'empêchent aucun de nous de s'élever à la hauteur de cette grande discussion. Mais aujourd'hui, au moment où les nuages s'appesantissent, quand nous entendons les grondements du tonnerre lointain et que nous voyons les éclairs briller à l'horizon, nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas attendre que la tempête qui nous menace ait éclaté en fureur sur nous et ait causé de violents désastres. La mère patrie, non pas seulement pour elle, mais pour nous aussi, soutient absolument sans aide le fardeau de la vie de l'empire et elle fait face aux nécessités écrasantes de la vie nationale.

Dans le besoin pressant quelle éprouve, nous arrivons à son aide en lui apportant notre meilleur secours comme témoignage de notre détermination de protéger et d'assurer la sécurité et l'intégrité de l'empire et de notre résolution de défendre, et sur mer et sur terre, notre drapeau, notre honneur et notre héritage.

M. L'ORATEUR: A propos de ce bill, je présume que le très honorable premier ministre a considéré la question d'une résolution qui doit suivre ou précéder la présentation d'un bill de cette nature. Je n'ai. pas eu le temps de faire l'examen du bill, je ne puis donc pas dire pour l'instant s'il devait ou ne devait pas être précédé d'une résolution.

M. BORDEN: Monsieur l'orateur, la résolution qui est nécessaire -pour ce bill a été soumise à Son Altesse Royale le Gouverneur général. Il lui a plus d'approuver la résolution qui est conçue dans les mêmes termes que le bill et de la recommander à la considération de la Chambre en vertu des dispositions de l'acte de l'Amérique britannique du Nord.



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